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REVUE DRAMATIQUE





Porte Saint-Martin : Le Chèvrefeuille, tragédie en trois actes de M. Gabriele d’Annunzio. — Théâtre Sarah-Bernardt, Jeanne Doré, drame en cinq actes et six tableaux de M. Tristan Bernard. — Vaudeville : La Belle Aventure, comédie en trois actes de MM. G.-A. de Caillavet, Robert de Flers et Étienne Rey. — Renaissance : Un fils d’Amérique, comédie en quatre actes de MM. Pierre Veber et Marcel Gerbidon.


Le Chèvrefeuille de M. G. d’Annunzio n’a eu que quelques représentations. C’était prévu et ce n’est pas un échec. Quand une pièce s’adresse uniquement aux dilettantes, aux curieux de lettres, aux raffinés d’art, elle ne prétend pas, comme on dit en argot de théâtre, à « faire beaucoup de salles ; » son ambition est autre : c’est de satisfaire cette élite de spectateurs. C’est à quoi celle-ci a réussi. Les Parisiens ont été charmés par ce régal qui leur arrivait d’Italie et qui avait tout de même si bonne saveur française. Ils ont admiré qu’un étranger maniât notre langue avec tant de vigueur, l’écrivît avec tant de souplesse et tant d’éclat, ne conservant de son idiome natal que quelques tournures singulières qui sont des étrangetés sans être jamais des contresens. Et ils se sont réjouis de constater, une fois de plus, qu’entre écrivains de race latine on est tout près de parler la même langue. Ils ont goûté cette richesse verbale et cette puissance de lyrisme. Ils n’ont pas songé un instant à contester à l’auteur que sa pièce fût du théâtre ; car il y a bien des manières pour une pièce d’être du théâtre, et celle de Scribe est sans doute excellente, mais ce n’est pas la seule. Ils ont tout de suite compris que le sujet qui a tenté M. d’Annunzio s’était présenté à lui et devait se présenter sous la forme dramatique. Ils ont salué l’expression large, franche, robuste de sentimens humains, profondément humains et humains de tous