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de découvrir le secours qu’un certain esprit philosophique, — nous pensons moins à des doctrines déterminées qu’à un esprit général, — apporterait à l’école, devenue foyer d’enseignement moral. Une difficulté, que tout le monde sait, pèse sur cet enseignement, l’arrête dans son essor, lui replie les ailes, et finalement le paralyse ; elle a été aggravée par des préoccupations qui se sont toujours réclamées de la philosophie et qui souvent lui étaient étrangères ; mais, en dehors et au-dessus des contingences de la politique, elle subsiste, délicate et embarrassante, puisqu’elle est en dernière analyse l’expression de nos désaccords au sujet de la métaphysique.

Il y a précisément dans les courans nouveaux de la pensée philosophique moderne une extraordinaire vertu d’apaisement, bienfait précieux pour l’éducateur public qui, distribuant son effort à des enfans pénétrés d’imprégnations diverses, doit garder sa pensée attentive aux nuances, assez souple pour en tenir compte, assez libre pour ne s’enchaîner qu’au seul souci de réussir. Et si, par exemple, la neutralité scolaire, — sans cesser d’être rigoureuse, comme il faut qu’elle soit, — en devenait plus facile, non plus gênante, froide et lourde d’inhibitions, mais aisée, souriante, pratiquement applicable, non plus négative et stérilisante, mais positive et féconde, soutenue par une égale curiosité pour toutes les formes de l’expérience humaine, par un égal respect, mêlé de reconnaissance, pour toutes celles qui sont en nous source de force, de courage et d’allégresse devant le devoir, le bienfait ne serait-il pas incomparable ?


Docteur EMMANUEL LABAT