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d’une cour, derrière l’étable qui s’avance triomphante, une petite porte vous reçoit toujours avec cette devise, sculptée en pleine pierre :


Dieu seul est mon espoir, il est ma forteresse.


On dirait un écho du chant de Luther : à deux lieues du château de Montluc, il était prudent, quand on lisait la Bible, de mettre son logis sous la garde de Dieu. Ces pierres sont pénétrées d’histoire, on y sent, profondément entaillées dans chaque lettre, toutes les angoisses du passé. Mais, si le prix des veaux continue à monter, elles disparaîtront l’an prochain pour faire place à l’étable.

Ailleurs, un maître, désole de la ruine des sentimens familiaux, se heurte à l’action démoralisatrice du Bureau de Bienfaisance. Nous transcrivons ses réflexions : « Les ressources du Bureau sont assez importantes, et on a pris peu à peu l’habitude de lui abandonner les vieux parens alors qu’on pourrait les soutenir. De même, à l’Assistance aux vieillards, plus d’une inscription est faite que l’état de fortune des enfans ne justifie pas. Il est vrai qu’une disposition intéressante de la loi permet de répéter contre les fils ingrats les sommes dépensées pour leurs parens. Mais elle reste à peu près lettre morte. Il faudrait imposer aux Bureaux l’obligation de s’en servir. Comme l’abandon injustifié des parens est un exemple déplorable pour les jeunes, les jugemens seraient affichés à l’école dans un tableau spécial, où l’on aurait soin de ne mettre aucun nom. L’enfant apprendrait ainsi que, quand nous oublions le plus sacré de nos devoirs, la main de la Loi nous saisit et nous y ramène. » L’idée est intéressante, mais nous ne sommes pas à la veille d’en voir l’application.

Un autre tableau ne rencontrerait pas les mêmes difficultés, et il est curieux qu’on n’y ait jamais songé. Nous multiplions les bourses à tous les degrés de l’enseignement, et rien n’est plus justifié. C’est l’honneur d’une démocratie. Mais pourquoi ne pas dire à l’enfant : « Nous te donnons cette bourse parce que tu la mérites et que tu es pauvre. Tu ne dois pas en être humilié ; ce n’est pas une aumône qu’on te fait, mais une avance, le plus flatteur de tous les prêts, un prêt d’honneur. Si la fortune te trahit, tu ne devras rien ; mais si tu réussis, ton premier devoir sera de rendre l’argent qu’on t’a prêté. Tu le feras pour