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L’ARCHIPEL EN FÊTE

D’île en île, sous le ciel radieux, à travers l’étendue vaste où la poésie inventive des anciens Grecs voyait se multiplier à l’infini, dans la réalité d’une lumière idéale, « le sourire innombrable des flots, » voici que s’est propagée tout à coup la bonne nouvelle :

— La flotte arrive… Notre flotte.

Ainsi parlent ces braves gens, descendus de toutes les hauteurs de l’Archipel pour voir de plus près leurs croiseurs cuirassés, leurs contre-torpilleurs, leur marine, leur pavillon national, le signe visible du salut annoncé depuis plusieurs siècles, toute une patrie qu’ils croyaient perdue, et qui revient vers eux pour les protéger.

En ces parages de la Méditerranée orientale que hante le souvenir homérique des antiques odyssées, un nuage de fumée rabattue par le souffle régulier des vents étésiens signale de loin l’Hydra, la Psara, surtout les trois cheminées, les tourelles blindées et les canons du croiseur cuirassé Averof, tandis que les bâtimens de l’escadre légère, la Flèche, la Fronde, la Baïonnette, le Bouclier, la Tempête, la Gloire se dispersent çà et là, autour des puissantes unités navales, comme une escorte de tirailleurs à l’affût de quelque périlleuse rencontre. La bonne nouvelle a été portée çà et là chez les habitans de Lemnos, de Thasos, d’Imbros, de Samothrace, de Mytilène, de Chio, de Samos et jusqu’au fond des golfes d’Ionie par le va-et-vient des