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Mais cette bonne volonté générale est toute désarmée. Des vœux et des mesures individuelles de grâce, ce n’est pas suffisant. Tout ce que nous avons gagné dans l’ordre sentimental n’empêche pas les intempéries, non plus que la malignité des sectaires. Pendant qu’elles triomphent dans les cœurs et qu’on les porte si haut, nos églises rurales s’écroulent sur le sol. Dans les chemins creux de campagne, combien d’églises qui meurent ! On n’assassine plus en plein jour, mais derrière les haies ; (Interruptions à gauche.)

M. CHARLES BEAUQUIER. — Vous équivoquez.

M. MAURICE BARRÈS. — Que voulez-vous dire, monsieur Beauquier ?

M. CHARLES BEAUQUIER. — Je dis que vous développez une équivoque. Tout le monde est d’accord pour conserver les églises artistiques ; mais vous confondez continuellement toutes les églises avec celles-là. Voilà l’équivoque ! (Très bien ! très bien ! sur divers bancs à gauche.)

M. MAURICE BARRÈS. — Monsieur Beauquier, permettez-moi de vous dire qu’il faut que vous désiriez bien que je tombe dans l’équivoque pour la soupçonner dès les premières secondes de mon discours. Mes collègues se rendent compte que j’essaye d’exposer clairement mes pensées propres ; j’ai dit que je parlerais et je parle de « l’ensemble de nos églises. » Il sera très facile, quand j’aurai terminé mes explications, que chacun voie quelle est sa position exacte par rapport à la mienne. (Applaudissemens au centre et à droite.)

D’ailleurs, laissez-moi vous donner un exemple topique et permettez que j’entre dans de petits détails. Quelques faits bien précis éclairent mieux une situation que ne feraient les plus éloquentes généralités.

Dans une petite commune de l’Yonne, à Moulins-lès-Noyers il existe un calvaire. Ce calvaire est composé d’un Christ en bois sculpté, de la première partie du XVIIIe siècle, et il est l’œuvre d’un sculpteur de mérite, Charles-Antoine Bridan, grand prix de Rome, membre de l’Académie des beaux-arts. Ses œuvres sont remarquables. Vous avez probablement vu son Vulcain présentant à Vénus les armes qu’il a forgées pour Énée. C’est une des belles statues du jardin du Luxembourg. Je n’ai pas besoin de vous dire que nos sénateurs se mettent aisément d’accord, à quelque parti qu’ils appartiennent, pour l’entretenir