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sectaires continueront de refuser les générosités des particuliers. » MM. Landry et Honnorat ne veulent pas m’entendre. Sauf quelques retouches légères, ils maintiennent leur texte et vont le soumettre au vote de la Chambre. Dois-je m’en faire l’adversaire intransigeant ? Est-il de mon devoir de le combattre à fond ? Ou plutôt, ne devrais-je pas essayer de l’amender ?

Je vois l’inconvénient de collaborer à quelque chose de bâtard ; mais je vois aussi l’avantage d’améliorer peut-être, en quelque mesure, le sort de notre architecture religieuse. Faut-il être tout d’une pièce, s’en tenir au principe, réclamer le tout ou rien ? Faut-il combiner, transiger, faire au mieux ? Éternel problème ! A chaque jour de la vie parlementaire, la question se pose ; mais, cette fois, elle me cause un malaise qui atteint à l’angoisse.

J’en causais hier avec un juriste éminent, de qui la science et les conseils ne me firent jamais défaut tout le long de cette campagne, avec mon confrère de l’Institut, M. Maurice Sabatier, et je pensais tout haut devant lui : Voici une insuffisante initiative parlementaire, dois-je y collaborer ?

— Non, non et non ! me disait-il. Le papier de ces messieurs n’est qu’une fantasmagorie. Et je devrais me servir d’un autre mot ! Vraiment, c’est avec cela qu’ils prétendent résoudre la question des églises qui les trouble ! Je vous avoue que je ne vois pas d’amendement à un projet pareil. Il n’y a qu’à le combattre comme un trompe-l’œil.

— Eh ! répliquais-je, je puis faire partager vos vues et votre indignation, qui sont aussi les miennes, aux collègues qui ne sont pas suspects de se désintéresser des églises ; mais il y a beaucoup de députés, et surtout un immense public qui ne comprendront pas qu’après avoir critiqué Landry-Honnorat, je ne dise pas ce qu’il faudrait faire.

— Non, reprenait M. Sabatier, vous avez fait votre campagne sur cette idée simple qu’il est monstrueux que les conseils municipaux sectaires laissent tomber en ruines les églises et qu’elles ne puissent pas être réparées, même aux frais des catholiques : c’est par-là que vous avez ému la France entière… Votre rôle, c’est de réveiller l’opinion, de mieux disposer les conseils municipaux, bref, d’amener les esprits à un tel point que le Gouvernement soit obligé de déposer un projet. Mais les gens de bon sens ne peuvent pas réclamer de vous que vous