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Voilà de grandes habiletés, monsieur le sous-secrétaire d’État, des habiletés d’une espèce trop fréquente dans la vie parlementaire dont elles font la misère et l’indignité. Je ne veux pas en être le complice, ni même en paraître la dupe. Et à ces raisons qu’il fallait que je vous donne sur l’heure, j’en ajouterai d’autres devant la Chambre, si vraiment le Gouvernement ne veut pas accueillir un projet plus efficace pour la conservation de notre trésor national.

Veuillez recevoir, monsieur le sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts, l’expression de mes sentimens très distingués et dévoués.

MAURICE BARRÈS.


Si j’avais des doutes sur la vérité des réflexions que j’adresse à M. Bérard, ils seraient dissipés par une prodigieuse conversation dont je reste encore étourdi. Je suis tombé dans les couloirs sur un radical tout épanoui d’avoir signé l’amendement Landry et qui m’a dit :

— Vous n’avez guère confiance dans vos idées, monsieur Barrès.

— Et pourquoi donc, monsieur X ?

— Parce que, si vous aviez confiance dans vos idées, vous compteriez obtenir un jour la majorité, et, quand vous aurez la majorité, eh bien ! vous aurez la caisse.

Je n’étais pas revenu de ma stupeur, quand je fis la connaissance de MM. Landry et Honnorat. Je leur offris mon compliment de la belle réflexion que je venais d’enregistrer et de tout ce que je devinais de génie politique derrière leur amendement.

Ils repoussèrent d’une seule voix le dur Væ victis échappé à leur coreligionnaire dans un mouvement triomphal.

— Soit ! leur dis-je, mais vraiment les paroles de votre ami ont quelque chose de naïf, de spontané, un air de vérité. C’est à placer dans la série des Enfans terribles ; votre ami a mangé le morceau.

Ces messieurs me répondirent en m’assurant de leurs propres intentions. Ils m’ont persuadé. MM. Landry et Honnorat représentent le nouvel état d’esprit de la dernière génération radicale, courtois, ouvert, mais bien incertain. M. Landry plus poète, doué d’imagination, prompt à s’émouvoir de tout ce qui est