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MM. Landry-Honnorat-Bouffandeau ne croient plus qu’on puisse se désintéresser. Le problème reste toujours le même : l’église de mon village tombe en ruine ; elle n’est pas classée ; je désire la sauver. En quoi votre amendement me tire-t-il d’affaire ? Dans quelle mesure votre caisse des édifices non classés m’offre-t-elle un secours ? Comment puis-je l’ouvrir ? Par quelle considération devrai-je l’émouvoir ? A quel titre reconnaîtra-t-elle mon église digne d’intérêt ? Pourquoi mon église plutôt que la voisine ? Me faudra-t-il des apostilles politiques ? Faudra-t-il que mon conseil municipal ait « bien voté ? » Ou même que M.Bouffandeau intervienne de sa personne ?

Je le crains, je le crois. Et cette opinion générale va détourner tous les dons et tous les legs d’une caisse qui n’est obligée à rien et qui disposera de ses ressources en subventions de bon plaisir.

Il n’y a rien de changé en France, il n’y a que deux caisses vides de plus.

— Mais ce texte est dérisoire, disais-je après l’avoir lu ; ces caisses ne joueront jamais.

— Vous croyez ? me fut-il répondu. Eh bien ! nous en jouerons tout de même.

Après cela, inutile de raisonner davantage. Caisse n° 1, caisse n° 2, caisse des monumens classés, caisse des monumens non classés, autant de réformes en papier. Et les pauvres églises de village, au grand déshonneur de notre terre, vont achever de s’écrouler. La pluie, le vent, la neige, les gelées continueront, tout cet hiver, leur œuvre de destruction. Ce vain projet Landry-Honnorat-Bouffandeau n’est qu’un leurre. Il laisse les églises de nos villages en présence de l’Etat, qui ne veut rien connaître d’elles, en présence de municipalités, trop souvent pauvres et parfois malintentionnées, en présence de fidèles pleins de bonne volonté à qui l’on refuse le droit de sauver, avec leur propre argent, leur église. Votre projet ne sert qu’aux partisans du statu quo, aux durs partisans de la mort des églises, qui pourront dire :

— Qu’est-ce que vous racontez que j’ai voté le 25 novembre contre les églises ? Eh ! sept jours plus tard, par mon amendement du 2 décembre, je les ai sauvées avec Bouffandeau…

Et de rire.

Ce rire est affreux.