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établi son artillerie de manière à couvrir la porte et à défendre le pont, déjà rendu impraticable. Ainsi la partie de la ville qui s’étend sur la rive gauche de l’Escaut formait en quelque sorte une tête de défilé très difficile à attaquer. Si Maison parvenait à enlever cette tête, il lui faudrait ensuite passer l’Escaut dans Audenarde, puis déboucher devant la superbe position que, sur l’autre rive, les monts d’Edelaere offraient à son adversaire.

Maison croyait encore qu’il avait affaire au seul détachement de Hobe, quand les habitans l’informèrent que ce détachement venait d’être renforcé, à la fois par les troupes envoyées de Tournai et par celles du major Hellvig, rappelé de Deynze. Hobe disposait donc de 5 000 hommes, postes dans la ville ou établis en arrière. De plus, Maison apprit que deux colonnes, fortes ensemble d’environ 2 500 combattans, s’acheminaient vers Gand, l’une expédiée le matin même d’Audenarde, l’autre de Bruxelles. Le général en chef ne pouvait plus songer à emporter Audenarde sans des sacrifices disproportionnés à ses forces. Mais, bien que prévenu par l’ennemi à Gand, marcherait-il quand même sur cette ville, puis sur Anvers, pour tendre la main à Roguet ? Maison comprit les dangers que présentait l’entreprise ; car, s’il ne parvenait pas ensuite à attirer à soi la division Roguet, il resterait alors dépourvu de tout moyen de retraite et de communication quelconque. L’occupation de Gand par les alliés rendait en effet problématique sa jonction avec la garnison d’Anvers. Si les troupes ennemies qui stationnaient à Gand coupaient les ponts de l’Escaut, comme elles venaient de couper celui de la Durme à Lokeren, et arrêtaient Maison quelques heures seulement devant Gand, tandis que, d’Audenarde, Hobe l’aurait suivi, l’armée se trouverait dans une situation des plus fâcheuses. Ces raisons décidèrent le général en chef à se retirer, durant la nuit, sur Courtrai.

Le mouvement de retraite commença à deux heures du matin, et déjà l’armée était en marche, quand Maison fut avisé qu’une partie des troupes de Hobe remontait la rive droite de l’Escaut. D’autre part, un poste, laissé la veille à Avelghem, observait que les alliés se portaient en forces et directement de Tournai vers Courtrai. Sentant sa ligne d’opération menacée, Maison détacha aussitôt plusieurs escadrons et des pièces d’artillerie légère avec ordre d’occuper, à Courtrai, la porte de Tournai. Le colonel Doguereau, de l’artillerie de la garde,