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ce que j’ai vu à Vallona, j’ai lieu de croire que ces chiffres sont plutôt exagérés. Toutefois, il n’est pas douteux que les écoles royales sont un des meilleurs élémens d’action de l’Italie en Albanie. Si elle pouvait réaliser un projet d’organiser à Bari, à six heures de la côte albanaise, une école supérieure pour jeunes Albanais et d’y attirer ces derniers, ce serait assurément le plus remarquable couronnement de cette œuvre scolaire.

Malgré ces efforts qui datent d’un quart de siècle, son action reste encore inférieure en résultats à celle de l’Autriche dans l’ensemble de l’Albanie ; mais à Vallona, grâce à sa colonie, elle a dépassé sa rivale. C’est qu’ici, l’Autriche manque de son point d’appui habituel, le clergé catholique et les écoles religieuses. Sauf la petite colonie italienne, qui d’ailleurs manque de prêtres et d’églises, il n’y a dans ce port que des musulmans et des orthodoxes. Des distributions d’argent opportunes peuvent procurer à l’Autriche des partisans ou des indicateurs, mais non une organisation. Aussi l’influence autrichienne est-elle fortement battue en brèche dans cette région de l’Albanie et il n’a fallu rien moins que la guerre italo-turque, qui a provisoirement suspendu l’expansion italienne, et la politique de la Consulta, qui a rendu violemment hostile à l’Italie tout l’élément grécophile, pour arrêter les progrès de l’action italienne. Dans l’Albanie indépendante, cette action va reprendre avec d’autant plus de force que son rayon va être limité. L’Albanie devient une façade maritime avec un hinterland montagneux ; les plus hautes chaînes l’encadrent et elle est à peu près formée des deux anciens vilayets de Scutari et de Janina, à l’exception de la région méridionale de ce dernier. Sous le régime turc, les Albanais s’avançaient bien au delà, mais l’Italie n’exerçait vraiment son action commerciale et économique que dans ce qui devient l’Albanie autonome ; dans les dernières années, le commerce italien recueillait environ un tiers des transactions faites avec l’étranger dans le vilayet de Janina et un quart dans le vilayet de Scutari. Ce sont des résultats considérables, si l’on songe que l’Autriche-Hongrie a hérité de la prépondérance économique en ces régions depuis la chute de la République de Venise, que Trieste est la tête de ligne d’un mouvement commercial traditionnel, avec ses commerçans allemands, grecs, voire italiens, qui y possèdent leurs maisons de commerce, avec ses navires, ceux du Llyod secondés par ceux de l’Ungaro-Croate