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Jetée par sa haine contre Mazarin et par son affection passionnée pour le Prince de Condé, parmi les principaux acteurs de la Fronde, elle y a joué, à côté de la célèbre fille de Gaston d’Orléans, la Grande Mademoiselle, et d’Anne de Bourbon, duchesse de Longueville, un rôle analogue à celui de Mme de Chevreuse dans sa lutte contre Richelieu. Elle lui ressemble en outre par ses liaisons amoureuses qui firent scandale, bien qu’en son temps les intrigues politiques se doublassent presque toujours d’intrigues galantes. C’est ainsi qu’elle est entrée dans l’Histoire si romanesquement et avec tant de fracas qu’on ne saurait s’étonner qu’elle ait défrayé les chroniques et les Mémoires du siècle où elle a vécu, qu’elle y ait été défendue par les uns, calomniée par les autres, Bussy-Rabutin par exemple, et qu’elle ait excité depuis la curiosité des historiens.

Plusieurs se sont occupés d’elle, Victor Cousin à propos de Mme de Longueville, le Duc d’Aumale à propos du Grand Condé, M. Jules Lair à propos des Fouquet, et le marquis de Ségur dans sa magistrale trilogie sur le maréchal de Luxembourg dont elle était la sœur. A ces écrits, il faut ajouter une longue étude sans nom d’auteur publiée à Cologne en 1699 et un volume, en date de 1878, signé de M. E. Filheul. Le dernier venu parmi ces écrivains, M. Paul Fromageot, a eu sur eux l’avantage de pouvoir contrôler leurs dires. Cette étude l’a conduit à conclure que si les uns ont usé d’une bienveillance excessive, les autres ont attaché trop de prix aux appréciations malveillantes des contemporains, et à essayer « de rendre justice à cette séduisante duchesse, sans altérer la vérité, en reprenant par le menu le roman d’aventures que fut sa vie. » Cet essai est maintenant sous nos yeux et, quel qu’ait été à l’origine le plan de l’auteur, est devenu sous sa plume et grâce à ses recherches, l’histoire la plus complète qui ait été écrite sur Isabelle de Montmorency.

On ne connaîtra bien la belle ensorceleuse qu’après avoir lu ce livre remarquable, début dans le domaine historique d’un homme qu’une longue et honorable carrière au barreau de Paris a familiarisé avec les enquêtes judiciaires et qui a consacré les loisirs de sa retraite à compulser le dossier assez confus de son héroïne, en apportant dans cette étude autant de soin, de patience et de conscience que s’il s’agissait de prouver l’innocence d’un accusé. Il ne s’est pas flatté sans doute d’obtenir un acquittement :