Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/891

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hardie, entreprenante, se servant de tous ses charmes pour réussir dans ses desseins ; » elle y fera des passions ; elle en ressentira les effets et s’y livrera sans que l’honneur, pas plus que la religion, puisse la contenir.

A l’époque où tout en elle annonçait ainsi ce qu’elle serait un jour et tandis que son père se préoccupait de son établissement, — c’était en 1617, — un grand changement venait de se produire à la cour de France. Concini avait péri et Louis XIII, à peine majeur, délivré, en même temps que du joug de cet Italien ambitieux, de celui de la reine-mère Marie de Médicis, s’était emparé du pouvoir que la régente entendait conserver au mépris des droits du jeune roi. Parmi les gentilshommes qui avaient aidé celui-ci à conquérir sa couronne, en brisant la faction qui ne voulait pas la lui rendre, il en était un, Honoré d’Albert de Luynes, originaire du Comtat-Venaissin, qui avait su lui inspirer l’affection la plus vive. Agé de trente-neuf ans, « grand, mince, assez joli de figure, l’air très doux et charmant de manières, » il devait à la faveur royale d’avoir déjà reçu plus d’honneurs et de grâces qu’aucun des personnages de la Cour. Le Roi avait même voulu lui faire épouser sa sœur naturelle Madeleine de Vendôme. Peut-être y fût-il parvenu, malgré le refus de cette princesse qui rêvait de s’unir au duc du Maine, si Honoré de Luynes, redoutant d’attirer sur lui l’inimitié d’une famille puissante, n’avait renoncé spontanément à cette alliance et, pour se tirer d’une situation délicate, cherché à en contracter une autre ailleurs. Il connaissait Marie de Rohan ; elle était belle ; on la disait riche ; elle appartenait à une des plus grandes maisons du royaume, autant de raisons propres à justifier son choix. Avec le consentement de Louis XIII, il demanda sa main, Il fut agréé aussitôt et par la jeune fille, bien qu’il eût vingt ans de plus qu’elle, et par le duc de Montbazon qui vit promptement combien il lui serait avantageux d’avoir pour gendre le favori du Roi, sans compter que, ses affaires étant assez embrouillées, il espérait que l’époux n’exigerait pas de lui le paiement immédiat de la dot qui devait être stipulée dans le contrat. Les choses se passèrent ainsi qu’il le souhaitait et le 11 septembre 1717, dans l’appartement de la Reine au Louvre, en présence du Roi, l’archevêque de Tours bénissait les fiançailles que suivit à deux jours de là, dans la chapelle du palais, la célébration du mariage.

Pendant les trois années qui s’écoulent ensuite, la fortune des