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Retz, qui d’ailleurs, ne valait pas mieux qu’elle, « elle avait fait de l’intrigue l’occupation favorite de toute sa vie. » M. Louis Batiffol conclut justement de ces dires que nul n’a porté à un si haut degré que Marie de Rohan l’art d’imaginer des complications, de les étendre, de les enchevêtrer, de les rendre redoutables, pour aboutir, grâce à ses relations au dehors, à créer de grands dangers politiques. Au total, dans la plupart des affaires auxquelles elle a été mêlée, elle s’est révélée comme un esprit brouillon et inconsidéré.

Etudiée à travers ses nombreuses amours, elle apparaît très différente. Elle s’est abandonnée à toutes celles qui se sont trouvées sur son chemin, mais aimant uniquement, aussi longtemps qu’elle aimait, celui à qui elle s’était donnée, de telle sorte que cette femme à qui, en politique, on a pu reprocher tant de trahisons, ne paraît pas avoir apporté la même perfidie, ni la même inconstance dans ses passions amoureuses. « Elle était très bonne ; elle aimait aimer et être aimée. Il importait peu que l’objet de son amour changeât ; elle demeurait fidèle à celui qu’elle avait choisi, dans le temps qu’elle acceptait ses hommages. »

Cette part faite à ses égaremens, il y a lieu d’ajouter que, durant la période la plus brillante de sa longue existence, partout où elle avait passé, on gardait le souvenir « d’un être de joie. » Elle était telle dès sa dix-septième année, ce qui ne saurait surprendre si l’on veut lui tenir compte de la déplorable éducation qu’elle avait reçue dans la maison de son père le duc de Montbazon. Elle y était née en décembre 1600. Deux ans plus tard, elle perdait sa mère, Madeleine de Lenoncourt, de laquelle, d’ailleurs, elle n’aurait reçu ni de fortes leçons de morale, ni de bons exemples, cette jeune femme s’étant déjà vengée, disait-on, par maints traits d’infidélité conjugale, de ce que lui faisaient souffrir la brutalité, la sottise et les mœurs dissolues du grand seigneur dont elle portait le nom.

Élevée à côté de son frère Louis de Rohan-Gueméné, Marie de Rohan « grandit en enfant gâtée dans une atmosphère de gaieté et d’insouciance. » sans qu’autour d’elle personne se préoccupât de la corriger de ses défauts ni de la mettre en garde contre les périls qui l’attendaient dans le monde où son nom, sa naissance, sa fine beauté de blonde la destinaient à briller. Bientôt après, à peine mariée, elle s’y montrera « galante, vive,