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royale et du peuple espagnol à l’Argentine centenaire. En 1912, l’Espagne a commémoré solennellement le centième anniversaire des Cortès de Cadix, qui lui donnèrent sa première constitution : l’ancien président de la République Argentine, M. Figueroa Alcorta, les délégués de plusieurs nations sud-américaines furent, en ces jours de fêtes civiques, ses hôtes acclamés. La République de Panama avait invité l’Espagne à déléguer une mission spéciale, pour célébrer, en septembre 1913, le quatrième centenaire de la découverte du Pacifique par Nunez de Balboa.

Pour répondre à l’Institut français d’Espagne, nos voisins veulent fonder à Paris un Institut espagnol. Le projet, très vivement patronné par M. Lopez Munoz, lors de son passage à l’Instruction publique, a été accueilli chaleureusement par les Espagnols et par les Sud-Américains de la colonie parisienne : n’est-ce pas l’hispanisme, disait dernièrement un de leurs meilleurs écrivains, M. Gomez Carrillo, qu’honorent les Ugarte, les Fombona, les Garcia Calderon ? Un des plus intimement espagnols parmi les romanciers d’aujourd’hui, Blasco Ibañez, n’est-il pas aussi l’un des meilleurs annonciateurs et, je crois bien, l’un des colons les plus résolus de la République Argentine ? L’Espagne a, comme d’autres, des droits à se réclamer d’un impérialisme ; mais celui-là ne blesse aucune liberté, n’asservit aucune conscience ; il repose sur une association spontanée, dont le principe est l’harmonie atavique des intelligences et des cœurs ; il définit, en Europe, les forces spécifiques du peuple espagnol, sans oublier que l’une est la variété même des élémens originels qui le composent ; il tend à les affermir par tout un ensemble d’exercices, sur une carrière aménagée tout exprès pour l’essor de leur jeu ; il découvre au dehors les affinités que n’ont pu déraciner de passagers malentendus de l’histoire ; il dresse, autour de ses champs d’entraînement, un cadre international de protection. C’est un spectacle réconfortant que celui d’un peuple qui grandit ainsi et prend conscience de lui-même. Quelles que soient les ombres nécessaires du tableau, ce n’est pas céder à un parti pris optimiste que de saluer, dans l’hispanisme contemporain, les espoirs d’une moisson qui se lève.


HENRI LORIN.