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fracas, cueillir le fruit qu’il avait laissé mûrir. Si, dans l’été de 1913, des dissidences administratives le décidèrent à demander son rappel, il paraît bien que ses directions générales ne seront pas abandonnées. A Madrid comme au Maroc, les maîtres du mouvement sont d’accord pour présenter l’Espagne aux indigènes tout autrement que Philippe II.

Sur le sol métropolitain et en Afrique, pour féconder la terre, élever les hommes, protéger sa croissance nationale, l’Espagne devra dépenser beaucoup ; il appartient à ses dirigeans de fonder solidement sa vigueur financière, en proscrivant également la timidité et l’esprit d’aventures ; ils ne méditeront jamais trop les exemples de Villaverde, franchise rigoureuse des bilans, prudence des émissions de papier-monnaie, compression énergique des gaspillages parasites. En 1912,1e budget a liquidé 1 232 millions de pesetas, pour une recette de 1 161 millions, soit un déficit de 71 millions ; en 1906, les dépenses n’avaient monté qu’à 993 millions, et les recettes avaient atteint 1 094, soit un boni de 101 millions ; la courbe des dépenses est à la hausse, mais, sans croire que la France soit un modèle avec ses budgets de 5 milliards pour moins de 40 millions d’habitans, sans prétendre affirmer que le « rendement » possible du contribuable espagnol soit égal à celui du nôtre, il est très vraisemblable que la somme des impôts, en Espagne, pour 20 millions de citoyens, n’est pas encore d’un poids insupportable. Malgré l’exagération des tarifs douaniers, le commerce de la péninsule a dépassé, pour la première fois en 1912, le total de deux milliards de pesetas ; dans les trois derniers exercices, le chiffre des revenus publics a augmenté de 100 millions. Ce ne sont pas là des signes de décadence ; mais il serait imprévoyant d’ajourner les réformes administratives et fiscales, sans lesquelles ces plus-values demeureraient des chances éphémères. Sans doute l’Espagne se prête-t-elle au développement dégroupes et de budgets régionaux ; par ailleurs, sa stabilité financière sera d’autant mieux assise qu’elle aura mieux assuré le progrès de ses transactions extérieures.

La presse et le parlement discutent aujourd’hui des problèmes nationaux sur un ton qui ne leur était point jusqu’ici familier : les personnalités ne portent plus guère qu’en réunion publique, et le goût naturel des Espagnols pour l’éloquence verbale neutralise, les uns par les autres, les succès des orateurs