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d’institutions marocaines. Le temps est passé où les présides rifains n’étaient que des bagnes bloqués par des tribus tenues en défiance par les maladresses des commandans européens, et ravitaillés par l’Espagne, alors qu’ils sont posés au bord d’une riche Kabylie ; ce seront désormais des bases de pénétration. Quelques jours avant que le traité avec la France fût officiellement promulgué, le gouvernement espagnol avait rédigé un décret, daté du 27 février 1913, qui organise les nouveaux territoires coloniaux : un gouverneur général (sa résidence définitive sera Tétouan) aura sous ses ordres trois chefs de service : pour les affaires indigènes, les travaux publics, et les finances. Les fonctionnaires espagnols, dit ce document, se proposeront une politique d’attraction, qui rende l’action espagnole à la fois sympathique et bienfaisante : ils mettront au premier rang de leurs obligations une moralité irréprochable et une parfaite tolérance à l’égard des coutumes locales ; l’établissement de services nouveaux, la réforme des services existans seront poursuivis avec le concours d’élémens indigènes ; à côté de l’armée régulière, dans laquelle plusieurs corps seront marocains, une police locale sera instruite par des officiers espagnols et placée sous les ordres de pachas ou caïds. Les Espagnols n’ignorent pas qu’ils ont à réagir, auprès des musulmans, contre le souvenir de violences séculaires ; ils ne sauraient improviser une politique indigène, et c’est là l’une des difficultés spécifiques les plus graves de leur établissement au Maroc, mais c’est beaucoup qu’ils s’en avisent et qu’ils aient déjà quelques chefs capables d’appliquer de nouveaux principes. A Larache, le général Silvestre, dont la France jadis n’eut pas toujours à se louer, négocie en même temps qu’il combat. A Tétouan, un consul très actif, dans une colonie de six cents nationaux dont tous ne sont pas des diplomates, a su se concilier la bienveillance des autorités indigènes et tout particulièrement de la population juive, qui compte huit mille individus. Le général Alfau, qui fut le premier résident général, n’était encore que gouverneur de Ceuta, lorsqu’il prépara l’occupation de Tétouan avec un tact digne de nos coloniaux les plus éminens, Il est entré en relations amicales d’abord avec les Maures andalous, négocians pacifiques, qui sont la classe instruite des habitans ; puis il a poussé quelques avant-gardes sur les positions qui dominent la ville ; il put un jour, sans