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jusqu’ici, les doléances contre les abus administratifs ont pris la forme de revendications régionalistes ; ainsi s’explique la fortune de la « Solidarité catalane, » qui fut éclatante en 1907, mais s’obscurcit bien vite, dès qu’elle se compromit dans les couloirs des Cortès. Dans les provinces où l’organisation économique est le plus avancée, en Catalogne, en pays basque, dans les Asturies et jusque sur la côte du Levante, un désir se fait jour d’échapper à la centralisation étouffante et de développer plus librement les énergies locales. C’est une protestation contre le caciquisme, maladie organique qui n’est spécifique d’aucun parti, mais qui les énerve tous, parce qu’elle tend à faire de la politique une profession. Il est absurde, croyons-nous, de parler de « séparatisme » catalan ; la Catalogne est trop réaliste pour rêver d’un avenir qui l’isolerait de l’Espagne et les laisserait cruellement mutilées toutes deux. Mais l’individualisme foncier des Espagnols, Catalans et autres, doit être ménagé comme une des forces vives de la nation. M. M aura le comprit, lorsqu’il prépara la refonte des administrations locales, prévoyant une large décentralisation, attribuant des pouvoirs de souveraineté à des groupes régionaux, appelés mancomunidades ; peut-être a-t-il ensuite rapetissé le problème, en faisant de ce projet une sorte d’antidote contre la « Solidarité ; » les nécessités quotidiennes de la vie parlementaire imposent trop souvent aux hommes d’Etat, — et n(m pas seulement en Espagne, — ces rétrécissemens des horizons. Les libéraux ont mené naguère de rudes attaques contre les mancomunidades, qui avaient pour beaucoup d’entre eux le tort d’être les filleules de M. Maura. Cependant le projet, en ses dispositions essentielles, mérite d’être repris. La géographie s’accorde avec l’histoire de l’hispanisme pour conseiller une rénovation de la vie provinciale ; c’est la condition d’un meilleur équilibre et l’on dirait volontiers d’une mutuelle intelligence, plus ouverte, entre les diverses régions du pays ; elle permettra une plus judicieuse division du travail entre les organes de la nation et favorisera très heureusement, dans toute la péninsule, les « capacités » économiques au détriment du syndicat central des politiciens. Raffermie par cette réforme, qui n’est en soi ni monarchiste ni républicaine, mais simplement d’intérêt espagnol, la royauté peut poursuivre aussi celle des institutions militaires, qui ne sont pas encore adaptées à un régime démocratique.