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s’inspirent des plus vieilles traditions espagnoles, mais elles paraissent quelque peu insolites, sous un prince qui occupe le trône de Charles-Quint. On en doit conclure que le gouvernement porte son activité sur des terrains où elle ne s’exerçait pas naguère. Parfois il y a rencontré des occupans, qui interprètent cette résolution comme une menace de concurrence ; comme il entend innover sans rien détruire, s’appuyer sur les traditions et ne condamner que les routines, son œuvre est infiniment délicate.

Le comte de Romanones a trouvé le secret de renouer avec le Vatican des relations interrompues par son prédécesseur ; il a réussi, de la sorte, à régler avec le Souverain Pontife l’épineux litige des congrégations et de « l’enseignement de la doctrine. » Le Saint-Siège a résolu d’interdire l’établissement en Espagne de nouvelles sociétés religieuses jusqu’à la conclusion d’un Concordat en préparation. Il n’a pas condamné canoniquement la réforme qui permet de dispenser du catéchisme les enfans des écoles de l’Etat dont les parens déclareront professer une religion autre que le catholicisme. Les libéraux avancés réclamaient davantage ; ils voulaient que le maître primaire pût, à son gré, refuser de participer à l’enseignement du catéchisme ; symétriquement, des conservateurs alléguaient que la législation nouvelle viole les règles fondamentales du droit constitutionnel espagnol. Au fond, la conduite du ministère n’était pas anti-cléricale, mais combattue par les cléricaux ; progressiste, mais pas anti-religieuse. Les autorités du Vatican ont, par l’intermédiaire d’un évêque espagnol très qualifié, discrètement désapprouvé les manifestations de protestataires catholiques et de dames de l’aristocratie dont les inspirateurs ne se décident pas sans peine à constater la séparation de la politique et de la religion. La nouveauté intéressante est que le gouvernement de Madrid, persuadé que les nécessités modernes commandent des retouches aux vieilles formules de l’éducation, les prépare de concert avec ceux dont le concours les consacrera le plus efficacement, en dépit des réfractaires ; c’est là, de part et d’autre, le fait d’hommes intelligens.

A mesure qu’elle détermine ainsi, plus exactement, ses originalités nationales, l’Espagne s’aperçoit que ce patrimoine mérite une protection plus vigilante, mieux armée ; elle veut donc le défendre, au dedans et au dehors. Presque toujours,