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le décret du 20 décembre suivant ; elles auront désormais des ressources propres, un prélèvement supplémentaire de 2 et demi pour 100 sur les patentes. Un mouvement de réaction contre les abus politiciens était déjà parti, il y a une dizaine d’années, de la Chambre de commerce de Saragosse, mais l’Union Nationale, née sous ces heureux auspices, n’avait pu échapper longtemps aux influences qu’elle s’était proposé de combattre ; on s’était borné à quelques conversations, sans résultats pratiques ; des assemblées de commerçans espagnols, créées à l’étranger avec un programme analogue, exclusivement économique, durent se séparer aussi faute de recettes stables. L’idée pourtant était en marche ; elle a fait son chemin depuis ; le gouvernement a enfin prêté son attention aux vœux de ces hommes d’affaires, dont la fortune est solidaire de la tranquillité et du progrès du pays. Une réunion solennelle des Chambres de commerce de la péninsule a été tenue à Madrid, en avril 1913 ; le Roi et le président du Conseil assistèrent en personne à la séance de clôture ; le ministre du Fomento avait accepté la présidence effective de la session. Les questions portées à l’ordre du jour n’étaient pas de celles qui intéressent seulement les « capitalistes ; » le développement des forces économiques de la nation fut présenté comme un des meilleurs moyens de lutter contre le paupérisme, la mortalité infantile, la vie chère : les dirigeans du commerce espagnol, en même temps que ceux de la monarchie, s’inquiètent aujourd’hui de questions sociales.


Protéger le peuple contre la dégénérescence physiologique est une manière de l’instruire ; l’éducation de l’intelligence n’est pas, pour les Espagnols contemporains, une moindre préoccupation. Accaparé par des soins plus immédiats, le gouvernement n’a pu, pendant les premières années du régime constitutionnel, consacrer beaucoup de temps ni d’argent à l’œuvre de l’enseignement populaire ; des particuliers ont suppléé à son insuffisance. L’année même de l’avènement d’Alphonse XII, en 1876, un groupe indépendant fondait à Madrid l’Institucion Libre de Enseñanza. Suspecte à l’origine aux conservateurs, qui l’accusaient de préparer une révolution républicaine, l’Institution Libre vécut cependant, œuvre commune du dévouement et de la libéralité de quelques amis. Francisco Giner de los Rios en était l’âme ardente ; à force de bonne foi, de désintéressement,