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comme elles ont rajeuni chez nous l’hôtel de village. Il n’est sans doute pas indifférent, pour la grande voirie des alentours de Madrid, que le roi Alphonse XIII soit un automobiliste fervent.

Mais, même avec le progrès des transports par automobiles, la route, en territoire économiquement prospère, tend à n’être plus qu’un affluent du chemin de fer. Les premières voies ferrées ont été établies en Espagne par des constructeurs français, pour la plupart, qui semblaient n’avoir pas confiance dans l’avenir du pays ; la même erreur, à la même époque, a doté l’Algérie de chemins de fer seulement stratégiques, construits à l’économie et comme à regret. Certes, les profils qu’impose, aux lignes tracées du Nord au Sud, le relief espagnol, sont de ceux qui paraissaient devoir décourager un trafic intense et rapide ; puis la technique des ingénieurs n’était pas, il y a cinquante ans, éclairée par les leçons accumulées depuis. Cependant la mesquinerie des conceptions initiales apparaît par bien des traits : la largeur de la voie, supérieure à celle des réseaux de France et de toute l’Europe centrale, est une précaution bien superflue contre une hypothétique invasion (la pose d’un troisième rail, voire d’aiguilles mobiles, n’est plus qu’un jeu pour les « cheminots ») et une gêne constante pour le passage normal des voyageurs et des marchandises. « Quelles sont, demandait en une gare frontière un journaliste français à certaine Infante, les impressions de Votre Altesse en quittant la France ? — Je pense, répondit la princesse, que si mes compatriotes n’avaient eu l’idée bizarre de faire leur voie différente de la vôtre, je serais déjà dans ma couchette, endormie. »

Il est improbable que l’Espagne fasse jamais les frais de réformer cette erreur originelle, mais l’augmentation du trafic l’a décidée à reprendre en sous-œuvre les lignes anciennes principales, à renforcer son matériel, à multiplier des chemins de fer secondaires. Au printemps de 1913, la seule Compagnie du Norte avait des travaux en cours pour près de deux cents millions de francs ; elle procède au doublement de la voie sur plusieurs tronçons de la ligne du Sud-Express, entre Madrid et Avila, entre Miranda et Burgos ; ses ateliers de Valladolid, qui ont équipé plusieurs des vagons du train royal, sont pourvus de machines-outils des derniers modèles, notamment de chariots transbordeurs assez puissans pour déplacer les plus grosses locomotives. Pendant l’année 1912, le Madrid-Saragosse et le