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à vapeur remplace l’antique plateau de bois, où l’on roulait des cailloux sur les épis ; les paysans sollicitent l’éclairage électrique de leurs habitations ; tandis que Salamanque garde l’enseignement des lettres, dans le chaud décor de sa glorieuse Université, Valladolid a bâti une Faculté de médecine toute neuve, immédiatement contiguë à un hôpital amélioré ; les professeurs, par un couloir intérieur, passent de leurs salles de cours à leurs cliniques, et les étudians sont assurément mieux installés, pour les travaux de dissection, que leurs camarades de Paris : le progrès économique, fondé sur l’agriculture, ne se sépare pas du progrès intellectuel.

En même temps, la propriété rurale tend à se morceler, là où s’est maintenu, jusqu’à nos jours, le régime des latifundios. Certaines provinces d’Espagne ont échappé à cet abus ; ce sont celles où la terre, directement arrosée par les pluies ou artificiellement irriguée, se prête à la culture par petits lots. Les géographes ont observé que, sur un sol où l’eau nourricière est libéralement distribuée, les sociétés se partagent en groupes plus indépendans les uns des autres ; les familles se fixent plus volontiers sur le champ réduit qui les fait vivre ; il arrive même que le désir individuel de la propriété foncière détermine un véritable émiettement de la terre cultivable ; quand celle-ci vient à manquer, les paysans en surnombre émigrent, et tel est le cas en Galice, dans la Bretagne, si verte et si pittoresque, de l’Espagne. En Andalousie, en Estrémadure, au contraire, les domaines sont immenses ; là, les habitans de la campagne ne sont que de misérables journaliers, au service du propriétaire ; ils campent, plutôt qu’ils ne logent, dans de tristes cabanes pressées autour des puits et se dispersent, au petit jour, pour gagner les champs où ils travaillent ; leur ordinaire se compose d’une soupe froide (gaspacho), quelquefois relevée d’un morceau de lard.

Emus de cette pauvreté, des maîtres ont essayé de faire de leurs salariés des petits propriétaires ; la difficulté capitale est dans la nature du sol lui-même, parce que les eaux sont presque partout, dans l’intérieur, mal distribuées. Une « politique hydraulique » sera donc le premier terme de tout effort méthodique d’enrichissement agricole. Le gouvernement espagnol s’en est aperçu dès le début du XXe siècle. Une série de conférences sur ce sujet furent données à l’Athénée de Madrid ; un concours