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il brisa, près de Salamanque, la résistance fédéraliste des Communeros. Aussi bien est-ce la valeur personnelle des hommes, celle des muscles et du cerveau de chacun qui s’affirme avec le plus d’éclat dans la croisade contre les Maures, dans l’épopée des conquistadores de l’Amérique et jusque dans l’apostolat catholique des missionnaires. La monarchie centraliste et autoritaire est, en Espagne, une importation exotique ; elle s’est déployée en surface, plutôt qu’implantée en profondeur ; si cependant elle n’a pas effacé les diversités locales qui sont le charme intime du pays, elle a fait ressortir la solidarité des provinces et préparé l’unité nationale pour un régime qui s’inspirera d’autres principes de gouvernement.


Pourquoi ce régime ne serait-il pas la monarchie elle-même, dégagée des rites conventionnels qui la tenaient à l’écart du peuple ? Telle est la question qui se pose aujourd’hui en Espagne, et que le roi Alphonse XIII, très averti, préoccupé des innovations indispensables, travaille à résoudre en associant les destinées de la nation et celles de la dynastie. Le système parlementaire existe, chez nos voisins, mais, ni par ses origines, ni par son pouvoir effectif, leur parlement ne ressemble au nôtre ; qui- conque a suivi d’un peu près l’histoire politique de l’Espagne, depuis les lois constitutionnelles de 1875, aura remarqué qu’il n’y a pas de coïncidence, ordinairement, entre un vote des Chambres et la chute d’un Cabinet ; les crises ministérielles sont affaires surtout de coulisses, de pasillos. Par suite, le Roi dispose d’une liberté de décision qui fait de lui un conseiller autant qu’un arbitre, dans les conflits des chefs de groupes. Lorsque cette magistrature suprême est dévolue à un souverain qui a, comme Alphonse XIII, la passion de son « métier, » son action personnelle devient un des facteurs essentiels de la vie nationale ; or on sait que le roi d’Espagne est décidément un homme de progrès.

Dans le monde politique espagnol actuel, il existe deux partis dynastiques, les conservateurs et les libéraux, que débordent à droite et à gauche les carlistes et les républicains. Entre libéraux et conservateurs, les distinctions sont de forme plutôt que de fond ; il n’y a entre eux dissidence de principe ni sur les relations de l’Etat avec l’Église, ni sur la nécessité, universellement reconnue, de réformes sociales ; les libéraux parlent