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une façon bien habile et bien malicieuse de choisir la pose, d’éclairer le modèle ; et parfois il excelle à trouver la légende qui souligne l’expression d’une physionomie. La tante d’Edwin Clayhanger, Auntie Hamps, est majestueuse, bien disante et formaliste. Elle parle, elle agit toujours selon les exigences des principes, des circonstances, des convenances et des conventions. Cela ne s’improvise pas : « Auntie Hamps, qui a passé sa vie à l’étudier, réussit le tour. » Dans The Old Wives’ Tale, Constance et Sophia ont aussi une tante, qui n’est pas moins massive et solennelle, Mrs Maddack ou, dans l’intimité, tante Henriette, « Aunt Harriet. » Si on la voyait quelquefois ourler des torchons, c’est que cette matrone pouvait hausser un torchon jusqu’à sa propre dignité. Elle a sur sa cadette, Mrs Baines, une autorité et un poids considérable, et il ne semble pas à Mrs Baines qu’un désordre puisse naître jamais dans le cercle où sa puissante sœur exerce son influence. C’est pourtant de chez tante Harriet que s’enfuit Sophia le jour de l’enlèvement. La bonhomie a fait place à l’ironie, et parfois perce dans l’humour une pointe acérée de satire. Le marquis de Wellwyn, ministre de l’Intérieur, n’accorde pas volontiers de commutation de peine : il est bien connu pour son humanité, et c’est précisément cette humanité qui fait le malheur des condamnés. Le marquis, en effet, ne veut pas que son sentiment du devoir soit à la merci de ses instincts, et il prend soin que ses instincts essuient toujours une défaite, dont il souffre horriblement[1]. Dans Clayhanger, c’est une bien curieuse scène anglaise que le centenaire des écoles du dimanche ; et qu’un Anglais la voie ainsi, voilà ce qui est nouveau. Les musiques et fanfares sont rassemblées autour de l’estrade tendue de serge rouge qui est dressée au bout du square, et les cuivres des instrumens, où le soleil se reflète, forment un cercle éclatant autour des fonctionnaires, des ecclésiastiques et de leurs femmes. « Toutes les dénominations, pour un jour seulement, fraternisaient avec effusion sur cette estrade ; car les princes de la maison royale et l’archevêque de Cantorbéry et le lord-maire de Londres avaient insisté pour qu’il en fût ainsi. » À peu près au milieu du square flotte une immense bannière de pourpre avec ces mots : « Le Sang de l’Agneau. » On chante le fameux cantique : Rock of

  1. The Old Wives’ Tale, Book II, ch. V, § IV, à la fin.