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écoles du dimanche et ils échangeront encore des propos qui sondent les âmes. Dans ces premières escarmouches, leurs sentimens s’affrontent comme des adversaires. La passion peut bien immobiliser nos cœurs dans leur trouble enchanté ; mais l’amour soulève toute leur force d’action, et il n’est pas rare de voir commencer comme un combat ce qui doit finir par une conquête.

Edwin était loin de penser qu’il aimerait un jour Hilda, et la jeune fille ne voyait pas plus clair dans son cœur. C’est après ces incidens qu’elle épouse George Cannon. Nous avons vu avec quel sentiment de liberté Hilda était sortie de cette aventure. Elle revient chez les Orgreave, qui n’en ont rien su, elle revoit Edwin, et, au moment où elle va de nouveau partir, elle apprend de ses baisers soudains ce qu’elle ignorait encore. Cette fois la révélation est venue. Hilda ne se dit plus, comme dans son illusion de naguère, que cela n’est pas réel. « Enivrée, presque défaillante, il se mêle à son étonnement une joie solennelle, tandis que tout son être aspire à la rectitude de l’amour. »

Mais elle n’est pas prête encore pour ce miracle. Edwin non plus, quelle que soit sa jeune sagesse. Hs ne s’élèveront l’un et l’autre, et chacun de son côté, que par de longues épreuves assez haut pour toucher cet idéal et le faire descendre dans la réalité. Dix années passeront. Depuis le soir mémorable où « Hilda, avec son indépendance et son mystère, lui a révélé la plénitude d’un viril orgueil, et où il a découvert qu’un des attributs essentiels de l’homme est une immense tendresse, » il n’a rien su d’elle, sinon un jour, par l’intermédiaire de Janet et sans autre explication, qu’elle était mariée. Car elle s’est décidée à annoncer son mariage à son amie, lorsqu’elle s’est aperçue, au lendemain de la scène d’amour, qu’elle n’en avait point fini avec les conséquences de cette union rompue et qu’elle allait être mère. Edwin s’enferme silencieusement dans sa tâche et silencieusement cultive son rêve de perfection. A trente ans, il a donné à sa vie tout le confortable que peuvent lui assurer un célibat définitif, une activité bien réglée et un raisonnable dilettantisme. Personne n’a deviné la tragédie secrète de son cœur, et lui-même maintenant la voit à distance comme la fin d’une folie divine qui ne pouvait pas durer. Si elle a laissé sur son visage un charme obsédant de tristesse, on se l’explique comme un air de naturelle mélancolie. Quand la