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PAYSAGES D’UKRAINE

On a retrouvé dans les papiers inédits du vicomte E.-M. de Vogüé ces notes sur l’Ukraine, premier contact de l’écrivain avec la campagne petite-russienne qu’il a décrite, dans plusieurs de ses ouvrages, avec non moins de précision que d’éclat. D’une plume pittoresque, l’auteur du Roman russe a retracé ici quelques figures, rendu à merveille la poésie des grandes steppes de blé, la paix profonde des mystérieuses forêts d’Ukraine. Ces pages, où la beauté du style se joint à l’originalité des aperçus, ne manqueront pas d’intéresser nos lecteurs.


Le jour où j’ai pu lire dans l’original les Récits d’un Chasseur de Tourguénef, je suis parti pour l’Ukraine.

La seulement j’ai compris ce livre de poésie et de vérité.

Vous qui le lisez au loin, vous croyez peut-être qu’il est fait, comme les autres livres, de mots sortis de l’invention d’un cerveau humain : non pas ; il est fait des rumeurs sourdes qui passent le soir dans les champs ; les pages ont poussé du sol natal, naïvement, sans effort, comme des fleurs des marais, toutes trempées des vapeurs matinales, de la sève des forêts ; elles sentent la forte odeur de la terre aimée.

Seule George Sand a surpris à ce degré le parfum et la couleur de la nature, dans quelques peintures de son Berry. De plus, pour nous étrangers, la nature qui palpite dans les récits du Chasseur petit-russien est vierge et neuve, toute de mystère : l’attrait du livre, ce sont les horizons vagues et inconnus qui fuient entre les lignes ; il a cette fascination que vous avez ressentie peut-être en déroulant les nouvelles cartes d’Afrique. Notre pensée exacte, façonnée au moule occidental, hésite