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bouche, je dis mieux les Ave Maria. Ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ ! Oh ! que cela est beau et fait penser aux amis ! Adieu, très chère et très chers. — Vous me consolez d’être électeur.


Paris, 28 février 1876.

Quelle bonne idée, très chère amie, de m’envoyer cette prière du P. Croiset ! Je ne la connaissais pas ; elle est admirable et pleine d’actualité. Je vais l’apprendre par cœur, et tout me porte à croire que je la dirai au moins une fois par jour. J’en sais une autre très bonne aussi que je débite par lots de cinquante ou cent dans les vingt-quatre heures : Ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ. Mais cela est pour tout le monde ; la vôtre entre mieux dans mes cas particuliers qui sont nombreux. Elle exprime la réalité et le pourquoi de la mort. Et puis elle vient de vous.

J’ai vu le P. Marie-Gabriel de Lérins, avec la lettre de Z... Il m’a fait entrevoir que l’enfant prodigue reprendrait la mer. J’en gémis pour lui, pour son père et pour vous. Puisque le diable s’obstine, il faut s’obstiner, Dieu ne cesse pas de vous aimer et ne cessera pas de vous obéir. Il fait la volonté de ceux qui le craignent. C’est lui qui l’a dit et qui l’a fait écrire pour que nous ne l’ignorions pas. Espérez contre l’espérance. Ce bon ours nous a écrit une belle lettre. Je vous remercie de me l’avoir communiquée. Les étoiles chantent Dieu, même celles du théâtre. Mais celle-là est un orchestre plutôt qu’une étoile et n’a jamais été aussi étoile qu’à présent. Depuis longtemps je lui dois une lettre, elle l’aura, mais je suis paresseux à cause de ma main et de mes besognes toujours grandissantes.

Votre lettre est venue très à propos pour me désassoupir. Elle m’a fait l’effet d’une bonne grosse réjouie, très vaillante, très enlevée et très enlevante. Si j’avais pu me jeter tout de suite sur ma plume, je vous aurais assommée de grosse écriture au gros sel. Ce pauvre faiseur de musique sacrée me semblait si drôle dans ce moment-là. Mais j’ai dû entendre la messe, lire les journaux et recevoir la pluie. Adieu l’humeur joviale ! Je me retrouvais électeur français et bon à noyer dans mes splendides égouts parisiens. Sur ce, je vous cache, madame, un objet odieux qui n’a plus rien d’aimable et qui n’est qu’amoureux.