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En outre, M. Daniel Berthelot et son collaborateur ont réussi, comme nous le verrons, à effectuer par l’ultra-violet la synthèse de plusieurs corps qui sont le point de départ des corps albuminoïdes, base de la matière vivante, et ils ont pu reproduire artificiellement quelques-unes des réactions vitales les plus importantes du monde végétal.

Mais l’ultra-violet n’est pas seulement et toujours un agent de synthèse et de combinaison. Dans certains cas au contraire, il agit comme un agent énergique de décomposition et d’analyse. Il décompose en particulier les acides organiques, les alcools, les aldéhydes, les cétones. Un grand nombre de corps organiques solides sont détruits par lui avec dégagement abondant de gaz, et ce n’est pas la moindre des analogies que l’action ultra-violette présente avec celle des fermens. Enfin, un grand nombre de décompositions lentes des corps organiques sont singulièrement activées par cette action, qui se présente alors avec tous les caractères d’une action catalytique. Nous avons expliqué ce terme dans notre récente chronique consacrée à la chimie.

L’une des plus intéressantes, au point de vue pratique, des applications de ces effets photo-chimiques est celle qu’en a faite récemment M. Daniel Berthelot à la question si angoissante de la stabilité des poudres de guerre. Les catastrophes sanglantes de la Liberté et de l’Iéna sont encore trop près de nous pour que, même dans ce pays où l’on oublie si vite, on ne doive apporter un intérêt passionné à tout ce qui peut procurer un peu plus de sécurité à nos marins et à nos soldats.

Les poudres de guerre modernes sont des substances à grande puissance balistique, mais qui ont l’inconvénient d’être instables, et de se décomposer avec le temps, sous des influences variées et mal définies, ce qui les rend alors très dangereuses. L’expérience a amené à leur adjoindre de petites quantités de corps dits stabilisans, dont le rôle est d’en retarder l’altération, d’absorber et de fixer chimiquement les produits de leur décomposition lente, produits qui accéléraient naguère celle-ci en boule de neige. La nécessité où l’on est de vérifier continuellement l’état des poudres, soit lors de leur livraison, soit surtout périodiquement lorsqu’elles sont embarquées, a amené à imaginer des épreuves de stabilité auxquelles les poudres doivent résister pour être conservées. Toutes ces épreuves, dont la technique varie d’ailleurs avec les pays, consistaient jusqu’ici à accélérer l’avarie des poudres en les plaçant un certain temps à une température élevée