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fautes, il en avoue les conséquences, les prisons, la pauvreté, le vagabondage, la déchéance physique et morale, l’infamie. Et, s’il discute avec ses juges, s’il les accuse de félonie et les châtie, il ne discute pas avec Dieu : et, tous ses torts, il les confesse. Il les proclame, voire ; mais sans nulle forfanterie : et il ne récrimine pas. Il dit qu’il n’a pas eu de chance. Il n’a pas eu la chance de ce Diomédès, larron de mer, qui, sur le point d’expier par la mort ses pirateries, fut en dialogue avec Alexandre ; et Alexandre lui donna du bien, de sorte que, riche, il devint honnête homme. Et, Villon, si Dieu lui eût fait rencontrer un autre piteux Alexandre... C’est tout le reproche qu’il fait à Dieu ; et il sourit parce que l’histoire, malgré le témoignage de Valère qui fut nommé le grand à Rome, lui paraît un peu forte et qu’on ne saurait demander à Dieu ces fortunes.

Il a été cambrioleur, condamné à la pendaison ; il a échappé au supplice, mais il l’a encouru. Il n’est pas un révolté ; il ne va point se rebiffer contre le sort et se vêtir de fatalité orgueilleuse. Sa poésie n’est pas auprès de lui comme un objet d’art qu’il cisèle avec sa dextérité indifférente. Sa poésie est en lui. Et ainsi, le miracle, le voici ; comment cette poésie a-t-elle évité la bassesse ?

Elle n’est basse aucunement. C’est que l’âme d’où elle émane n’était basse aucunement. Une âme légère et qui s’envole comme une alouette. Elle retombe et se souvient de s’être envolée. Une âme si douce, aimable et tendre que ses paroles ont des inflexions câlines et des caresses amoureuses. Une âme si enfantine qu’on a pitié d’elle et de ses plaintes qui vous désespèrent. Une âme si pieuse que peut-être jamais on ne s’est adressé à Dieu avec plus de tremblante certitude et avec plus de confiance, j’allais dire, amicale. Une âme si pure qu’on voit jusqu’au fond d’elle et qu’elle ressemble à une eau où il y a des débris et des feuilles, mais point de vase : débris et feuilles sont dans l’eau et ne l’ont pas salie. Une âme si préservée, si ingénue qu’elle est telle que Dieu l’a faite.

Et le problème, qui a reculé, reste le même : comment une telle âme a-t-elle été celle d’un cambrioleur et gibier de potence ? Ce problème moral, si nous savions le résoudre, la poésie de Villon serait par là tout éclairée. Mais l’étonnant problème ! Et ne comptons pas le traiter à la rigueur : le dernier mystère d’une âme résiste à l’analyse et, en définitive, demeure comme un peu d’absolu.

Il y a, au tome second de François Villon, sa vie et son temps, une image qui représente « le truand parlant à son âme. » M. Pierre Champion l’a trouvée dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale, où