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premières et les secondes Analytiques, Boëce sur les Topiques et la Division et suivi cent leçons sur les mathématiques, l’astronomie, la métaphysique et la morale. Plus tard, au temps de son repentir, il dit qu’il fuyait l’école ; peut-être ne fut-il pas un élève bien régulier. Mais il eut ses diplômes : ne lègue-t-il pas, dans son petit Testament, aux pauvres clercs de la cité la « nomination qu’il a de l’université » et dont il ne fait point usage ?... Divers indices mènent M. Pierre Champion à conjecturer qu’il a été clerc de procureur ou qu’il a travaillé chez quelque trésorier des finances. Il avait beaucoup de relations, et louables. Il a dû commencer une destinée respectable et tranquille.

Et puis, il a mal tourné. Comment cela lui advint-il ? Sans doute, prompt de nature et faible de caractère, céda-t-il à l’influence des camaraderies périlleuses. Il eut pour camarade, notamment, Régnier de Montigny, « noble homme » de par sa naissance et, de fait, un garnement, tricheur au jeu, décrocheur d’enseignes, excitateur de vacarmes nocturnes, pilleur d’étalages, tueur de sergens et qui finit à la potence. Il eut pour autres camarades une bande extraordinaire d’écoliers larrons et desquels M. Pierre Champion a trouvé, dans les archives procédurières, les scandales surprenans. Quelle bohème de fripons et, au besoin, de meurtriers, cette séquelle étudiante ! Farces énormes et larcins ; une prodigieuse facilité à continuer la plaisanterie où qu’elle aille et, sans scrupule aucun, jusqu’aux délits et aux crimes. L’on ne croirait point aisément à un tel désordre de facétie brutale si chacune des anecdotes qui en illustrent l’histoire n’était, par l’historien, munie de ses textes et preuves. Autour de ces garçons, les « filles mignotes, » et plus filles que mignotes, « vivans en vileté et désordonnées en amour, » la Touchaille, la Saucissière, Catherine la boursière, Jeanneton la tapissière, Marion l’Idole, consolatrice des enfans perdus, et la belle saunière, et la belle bouchère, et la belle herbière, et celle qu’on disait la plus belle de toutes et « celle qu’on appeloit belle simplement, » et de gentilles et d’ignobles jusques à la grosse Margot. Avec ces « fillettes, » avec les pipeurs et les maraudeurs, dans les rues, les terrains vagues, dans les décombres et les tavernes, François Villon prend du bon temps.

Il se déprave ainsi. Encore faut-il concevoir qu’il ait subi la tentation de la vie étrange où il s’est lancé. Il avait l’esprit mobile et aventureux. En outre, les Porphyre, Boëce et autres, philosophes ou grammairiens, l’ennuyaient : il était paresseux pour lire. La jurisprudence l’ennuyait aussi ; et, s’il a été clerc de procureur, il n’eut pas envie d’être, un jour, procureur. La religion ? Il n’avait pas les façons