Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/641

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les rapprochemens soient naturellement moins faciles à mesure qu’on remonte dans le passé : point ne suffit de recueillir des prix, fût-ce en grand nombre ; suivant la qualité du personnage, — grand seigneur ou simple messager, — suivant qu’il se rend directement d’une ville à une autre, ou qu’il flâne peu ou prou le long des chemins pour ses affaires ou son plaisir, le total des frais varie avec l’importance des notes d’auberge qui y tiennent grande place.

Ajoutez qu’on ne peut se fier toujours aux tarifs officiels, dont quelques-uns, au XVIIe siècle notamment, édictaient des prix qui n’ont jamais été pratiqués. Des religieux, qui voyagent à pied ou à mule et sont hébergés gratis à peu près partout, feront au XIVe siècle pour 400 francs le même pèlerinage, — celui de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, — qui coûte 1 200 ou 1 400 francs à des laïques plus exigeans.

Un abbé de Clairvaux, accompagné de sept personnes (1520), se rend à Rome par Nice et revient par le Mont-Cenis, après avoir passé huit mois en route et dépensé 2 800 francs seulement. Sans doute avait-il été logé et nourri dans les couvens de son ordre. A la même date, les frais d’un simple courrier, qui porte de Bruxelles à Rome et Naples des lettres de l’archiduchesse gouvernante des Pays-Bas, s’élèvent à 4 200 francs. Ces chiffres disparates n’ont aucun rapport avec les 1 170 francs qu’il en coûtait pour aller de Paris à Rome en 1760 ; mais ce dernier prix mérite d’être placé à côté de ceux de 149 francs en 1re et 64 francs en 3e classe de nos tickets actuels de chemin de fer pour le même parcours.

Et de même pourra-t-on mettre en parallèle les 586 francs que se paie aujourd’hui un billet de première classe, aller et retour, de Paris à Constantinople, avec les 5 420 francs que coûtait en 1397 le même voyage fait par un valet de chambre de M. de La Trémoïlle. Qu’un déplacement du Roi, de Tours à Nantes (1490), sur un bateau halé par 16 hommes, revienne à 1 113 francs, ce n’est qu’un détail sans importance ; mais qu’un couvreur, pour aller de Rouen à Nancy (1485), ait dû débourser 195 francs, au lieu des 24 francs que représenterait de nos jours pour ce trajet un billet de 3e classe, voilà qui permet de mesurer l’écart entre les frais de la locomotion dans cet intervalle de quatre siècles.

Depuis que nos contemporains, riches et pauvres, voyagent