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1775, par la Bourgogne, que cinq jours l’été et six jours l’hiver, tout en continuant à transborder leurs voyageurs sur la Saône à Chalon. La durée de ce parcours, réduite en 1810 à quatre jours, n’était plus, lorsque les diligences roulaient jour et nuit, que de trois jours ou soixante-quinze heures, sous le règne de Louis-Philippe, à l’époque de l’invention des chemins de fer. Elle est aujourd’hui, par les rapides, de six heures vingt minutes pour les voyageurs de 1re classe, et de huit heures pour ceux de 3e classe.


V

Il est vrai que ces derniers ne paient leur place que 25 francs, tandis que les autres en doivent 57 ; les uns et les autres ont droit en outre à une franchise de bagages qui, suivant le tarif du XVIIIe siècle, coûtaient 42 francs pour les 30 kilos aujourd’hui gratuits. Au point de vue pécuniaire, l’écart entre les deux chiffres de 57 et 25 francs, est supérieur à ce qu’il était au temps de Louis XV, où la diligence de Paris à Lyon coûtait de 210 à 186 francs, suivant que le voyageur était nourri ou non, tandis que « la guimbarde » ne coûtait que 117 francs. Le bourgeois aisé n’a cependant pas à se plaindre, puisque son voyage, vingt fois plus court, est trois à quatre fois moins cher ; plus favorisé encore est le riche qui voyageait en poste, — ce qui, de Paris à Lyon, représentait un débours d’environ 500 francs, — les coussins d’un sleeping-car ou d’un simple wagon à couloir en 1913 étant certainement plus confortables que ceux d’une calèche privée brûlant le pavé du Roi en 1770.

Mais ce qui ne procure aux riches qu’une économie, des trois quarts, voire des neuf dixièmes de leur ancienne dépense, procure au peuple une jouissance. La réduction de durée serait parfaitement indifférente à la classe populaire, si elle n’avait été accompagnée d’un abaissement de prix ; si par exemple le XIXe siècle eût inventé seulement les automobiles et non les chemins de fer. Pour une servante de jadis, 117 francs, c’était dix-huit mois de son salaire : 25 francs, c’est à peine un mois de gages.

On ferait des remarques analogues pour tous les parcours et pour l’ensemble des siècles antérieurs comparés au nôtre, bien