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l’adresse ; j’y suis, hélas ! très exposé. Mais je me vois encore écrivant Léontine et Nice. Il me semble bien avoir dit cela à Alexis hier ou avant-hier.

Adieu, ma bonne et très chère amie. J’ai regret du papier blanc que je laisse. Mais je me porte bien ce matin et j’ai affaire quelque chose de gros. Envoyez à Rosalie quelques petites raclures de mon cœur. C’est le curé de Barages qui est content !


Septembre 1875.

Ma chère amie, je viens d’écrire au charmant Ours de Maynoac[1], mais j’ai oublié dans quelle Pyrénée cela se trouve. Est-ce la haute, la basse ou l’orientale ? Il y a vraiment beaucoup de Pyrénées. Si je ne peux pas mettre la main sur celle qu’il me faut, je vous enverrai la lettre. Cette chère Rosalie, carmélite de cœur, mérite bien qu’on la cherche un peu.

Hélas ! je vois avancer la saison et s’éloigner mon voyage de Rome. Mes jambes ne peuvent plus chausser les bottes de sept lieues. Un petit mieux m’avait donné cette idée de Rome. Une rechute la chasse. Je reboite de plus belle sous l’influence d’un chien de lumbago ; il m’a fait crier pendant huit jours et, depuis huit autres jours, il dure encore. En même temps ma main me fait d’affreuses farces. Peu s’en faut qu’elle ne me refuse le service. Elle me fait l’effet d’un valet de chambre que j’ai gardé un an sans pouvoir le dégoiser, et qui m’a tant versé d’assiettes sur le dos, que j’ai dû le renvoyer ; mais je ne peux pas renvoyer ma main.

Ma fille Luce vient d’obtenir un nouveau grade dans son couvent. Malgré sa modestie et la mienne, je vous en fais part. On l’a mise au nettoyage des cabinets. Et elle n’est encore que novice ! où n’ira-t-elle pas, cette chère enfant ? Elle m’assure qu’elle s’y trouve fort bien et que le parfum de l’obéissance offre quelque chose là qui se sent plus qu’ailleurs. Qui m’eût dit que je saurais ma fille à ce poste, qu’elle m’y semblerait aussi belle et que je n’en serais pas moins fier ! Cependant, je ne me sentais pas la moindre pente pour cette vocation.

Vous avez vu ce grand et sublime Garcia Moreno. Je vois ici un de ses neveux qui me raconte sa vie. D’un bout à l’autre,

  1. Rosalie, alors retraitée dans un village de montagne.