Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/639

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sens inverse, à la descente par eau, le trajet était abrégé d’un jour.

Durant tout le XVIIe siècle et jusqu’au milieu du règne de Louis XV, la création de voitures publiques, fort peu nombreuses d’ailleurs, n’accrut nullement la vitesse. Quelques cavaliers courant à franc étrier, comme au moyen âge, fournissaient des traites quotidiennes de 150 kilomètres. De Paris à Madrid, tandis que les voyageurs comptaient vingt journées, le courrier diplomatique mettait moitié de ce temps : il allait, ou du moins devait aller et revenir en dix-neuf jours, et Mazarin se plaint fort lorsque parfois il en passe vingt-six. Bassompierre se rendit de Paris à Rouen en un jour, — 136 kilomètres, — le 24 décembre, avec quatre carrosses de relais, « ce qui, dit-il, est une diligence qui ne s’était encore faite en cette saison (1618). »

Cent ans plus tard, lorsque les postes fonctionnèrent normalement à peu près partout, pareille allure n’avait rien d’un tour de force, mais demeurait fort chère et par conséquent exceptionnelle. Les trajets dont j’ai noté la durée depuis Henri IV jusqu’à Colbert, — de Paris à Châlons trois jours, à Dieppe quatre jours, à Nevers cinq jours, à Nancy ou Angers six jours, à Semur sept jours, à Saintes onze jours, à Rodez seize jours, — accusent une moyenne journalière de 40 à 55 kilomètres ; non seulement les bourgeois, les curés, les petits fonctionnaires, mais des diplomates ou de hauts magistrats ne font pas davantage en ce temps-là.

Ce fut seulement vers la fin du XVIIIe siècle que la vitesse augmenta, grâce aux routes récemment ouvertes. Le train de 12 kilomètres à l’heure qui, jusqu’à 1750, était celui du Roi dans ses déplacemens et celui de la poste lorsqu’on s’arrêtait juste le temps de relayer, fut dépassé par quelques particuliers : Choiseul étonna ses contemporains par des cinq et six lieues à l’heure ; lors de son voyage de Flandres (1765), il mit onze heures d’Arras à Paris. Le duc de Croy, qui rapporte le fait, fît lui-même 20 kilomètres à l’heure, en berline, partant de Calais à cinq heures et demie du matin pour arriver à Paris à huit heures du soir.

Le public profita de cette tendance à l’accélération. De Paris à Lyon, pendant que « le carrosse, » passant par le Bourbonnais, employait encore dix jours, les Turgotines, ainsi baptisées par le public du nom de leur organisateur, ne mettaient plus dès