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une visite au roi de France (1377), s’en va le premier jour coucher à Lagny et le lendemain à Meaux, Ces repos voulus sont proprement du tourisme, comme ceux d’un chevalier qui passe dix-sept jours à aller d’Arras à Paris ; mais ce trajet de 193 kilomètres ne prend que trois jours à la Comtesse d’Artois, lorsqu’elle veut le faire rapidement avec ses gens et ses bagages.

L’allure de 64 kilomètres par jour est ce que l’on nommerait aujourd’hui un « record » pour une Duchesse de Bourgogne, qui voyage avec ses meubles, ses rideaux, ses tapis, ses livres, ou du moins son vin dans des barils bien étoupés, ses casseroles et son horloge, fragile machine à qui ces épreuves ne conviennent guère, car on doit la « rappareiller » bien souvent. Ses fourriers vont devant et, après avoir nettoyé la maison où elle couchera le soir, déploient ses tentures, fixent au plafond les ciels-de-lit. Avec l’encombrement des chars où sont entassés les femmes, la garde-robe, la paneterie, la fruiterie, la batterie de cuisine et la chapelle, ces grands seigneurs et ces princesses manquent souvent du nécessaire. Ils sont obligés de louer en route le linge qui leur fait défaut parce que, dans cette file interminable de chariots, plusieurs, embourbés, sont restés en arrière.

L’étape ordinaire oscille entre 40 et 60 kilomètres : de Montauban à Rome, au XIVe siècle, par Avignon, Embrun, Suse, Pise et Viterbe, un marchand pressé met vingt-trois jours, — 56 kilomètres par jour. — Un chevaucheur de l’écurie du Roi (1455) va d’Epinal à Paris et retour en quatorze jours, — 58 kilomètres par jour. — Les messagers ordinaires n’en faisaient pas autant : 47 kilomètres par jour, en été, est la vitesse moyenne de celui de Toulouse à Paris (1588), — trajet de quinze jours. — Celui de Nîmes à Paris, à qui six semaines étaient accordées en 1560 pour se rendre dans la capitale et en revenir, voit ce délai réduit en 1590 ; ce qui élève à 45 kilomètres par jour sa marche qui était précédemment de 37.

Certaines routes transversales devaient offrir des difficultés particulières, puisqu’un architecte, venu de Beauvais à Troyes (1511) en quatre jours, — 63 kilomètres par jour, — met ensuite cinq jours, de Troyes à Sens, pour faire 70 kilomètres seulement. De Paris à Troyes, pour le commun peuple, le voyage au XVe siècle s’effectuait en quatre jours et demi, dont trois jours pour remonter la Seine jusqu’à Nogent, — 111 kilomètres, — et un jour et demi par terre pour les 56 kilomètres restans. En