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elles et qui au contraire font désormais la loi à leurs voisins : ceux-ci en effet sont tenus de les border d’un fossé de deux mètres de large et d’un mètre de profondeur.

Personne du reste ne va plus être chez soi sur ce domaine public : ni les bergers, habitués de temps immémorial à y faire pâturer leurs troupeaux et que l’on empêche de les laisser se répandre sur les bords, ni les mendians, dépossédés du droit de s’y faire des cabanes pour y séjourner, ni même les rouliers à qui l’on défend de dormir dans leurs voitures, d’y atteler trop de chevaux et de leur faire porter trop de poids, de peur de dégrader la chaussée.

Jamais, jusqu’à Louis XVI, on ne s’était avisé d’imposer aux grands chemins une largeur uniforme ; on s’en rapportait aux usages variés de chaque province. Dans la Gaule romaine les voies militaires, très peu nombreuses, avaient 20 mètres dont un tiers de chaussée et les deux autres tiers d’accotemens en pente. Les voies ordinaires avaient, les unes 2m,60 pour permettre à deux chars de se croiser, les autres 1m,30 pour le passage d’un char unique. Au moyen âge, les coutumes les plus libérales assignaient aux chemins royaux des dimensions de 20 et 21 mètres, parfois dépassées ; des ordonnances et arrêts modernes maintinrent 24 mètres dans la traversée des forêts, » pour empêcher les voleurs de prendre leur retraite » dans les bois et broussailles trop proches de la route. Sauf cette mesure de prudence, plus ou moins générale, plus ou moins observée, les coutumiers varient à quelques lieues de distance, non seulement pour les chemins « vicomtiers, » châtelains et forains, pour la « voie, » la « carrière » et le « sentier de pied, » qui allaient de 10 mètres à 0m, 80 centimètres, mais pour les routes de première catégorie, du simple au double, en des provinces limitrophes : 20 mètres en Picardie, 10 mètres en Valois. Rien d’étonnant dès lors que les grands chemins, ou « chemins papaux » soient de 7 mètres en Comtat-Venaissin ou Bas-Dauphiné et de 16 mètres d’après la Charte normande. Chiffres théoriques d’ailleurs, tantôt excédés, tantôt réduits tellement en pratique, qu’au XVIIIe siècle à Grenoble on ordonnait de rendre aux chemins leur largeur de 4 ou 5 mètres.

Aussi le gouvernement de Louis XVI, en donnant par mesure générale 14 mètres aux routes principales, décrétait-il que celles qui dépassaient ce minimum seraient conservées