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maintes fois autant ou davantage pour amener de loin les pavés à pied d’œuvre que pour les tirer, casser et essemiller. Sur la route d’Orléans l’autorité tâchait d’économiser les frais de port, en permettant aux charretiers de charger leurs voitures sans limites de poids, lorsqu’ils portaient des marchandises dans la direction de Paris, à condition que, lorsqu’ils en reviendraient à vide, ils acceptassent de prendre à Etampes vingt-quatre gros pavés ou quatre hectolitres de sable destinés aux chaussées en construction.

A ces chaussées, au lieu du vague emplacement qu’elles occupaient jadis et qui se distinguait peu du reste des terres labourées, on assura des limites stables par les plantations d’arbres et le creusement de fossés. On se plaignait sous Henri III que « nos sujets ont entrepris sur les chemins, ôtant par ce moyen la commodité de charroyer et induisant les personnes à traverser les terres avoisinantes (1583). » On se plaint de même sous la Régence (1721) que les riverains comblent les fossés, labourent en dedans de la largeur et y déposent leurs fumiers. Dès le milieu du XVIe siècle, il avait été enjoint de planter des ormes le long des grands chemins, « parce que, disaient les lettres patentes, nous en avons besoin pour servir aux fûts et remontage de notre artillerie ; » d’autres ordonnances suivirent, laissant d’ailleurs aux propriétaires le choix des essences, et demeurèrent aussi sans effet. Sully, on le sait, voulut planter d’autorité ; les paysans scièrent ses arbres.

La même obligation fut renouvelée sous Louis XV, mais avec cette clause nouvelle : faute par les riverains d’obéir, le seigneur du lieu, ou l’entrepreneur, pourront planter à leur place et les arbres lui appartiendront. Jouir ainsi gratis chez autrui, par le boisement à un ou deux mètres en deçà du fossé, d’une bande de terrain en bordure de la route, plut tellement aux seigneurs locaux que plusieurs prétendirent planter de force, et qu’il fallut leur interdire plus tard de se substituer à leurs vassaux moins d’un an après les avoir mis en demeure de planter eux-mêmes. Ces arbres, étant d’ailleurs considérés comme une servitude, ne pouvaient être coupés ni arrachés sans la permission de l’ingénieur de la généralité.

A l’ingénieur aussi appartint la charge de « donner les alignemens, » sans lesquels il ne sera plus permis de bâtir le long des grandes routes, affranchies des libertés que l’on prenait avec