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conclu en 1211 par les consuls d’Agen, Marmande et Moissac avec les prud’hommes de La Réole, pour « l’asseurement » des routes, étendu à tous les Toulousains dans le Bordelais et à tous les Bordelais dans le comté de Toulouse.

Les traités n’étaient pas toujours efficaces ; mieux valait se garder soi-même. Pour protéger l’aller et le retour des marchands étrangers qui se rendaient au XVe siècle à la foire de Francfort, la municipalité avait organisé une escorte de 30, 60 et souvent 100 arbalétriers, suivant le plus ou moins de danger du chemin à parcourir. Sur le Guide des Chemins de France, en 1553, figure souvent entre deux villes ce mot inquiétant : « Brigandage, » ou cet avertissement utile au touriste : « Forêt dangereuse, pendant deux, trois ou quatre lieues. » De Paris à Fontainebleau la forêt était si peu sûre qu’on passait toujours par Corbeil, quoique ce fût plus long.

L’ancien régime avait fini par écheniller à peu près les routes de leurs malandrins : « Nous n’avons pas entendu dire qu’il s’y commette de vols, écrit un Anglais sous Louis XV, quoique nous n’ayons pas vu un seul de la maréchaussée de Paris à Lyon. Vous savez, ajoute-t-il, que la maréchaussée est un corps de troupes bien montées, entretenu en France pour la protection des voyageurs. C’est un reproche à faire à l’Angleterre que nous n’y ayons pas une semblable patrouille. » Les routes avaient été si longtemps terrain d’élection pour les malfaiteurs, que la création de voies nouvelles souleva au XVIIe siècle l’opposition violente des populations, qui y voyaient surtout un accès aux vagabonds et gens de guerre pour venir les piller. Il fallut, dans la Brie, la présence d’un corps de 200 hommes de troupe pour contraindre les habitans à l’exécution des travaux.

Ces travaux, cet établissement de la viabilité, si pénible et si lent, se poursuivirent au milieu de difficultés que notre siècle n’arrive pas à comprendre. Telle route du Centre, commencée en 1623, n’était pas terminée en 1790 ; les transports s’y faisaient encore à dos de mulets. Il faut se garder de croire au réseau officiel du temps de Louis XVI ; bien des routes y figurent qui n’existaient qu’en projet et sur le papier, et parmi celles effectivement ouvertes beaucoup n’étaient guère praticables.

A l’issue de la guerre de Cent ans, un orateur aux Etats de Normandie (1484) faisait remarquer que les chemins publics, en cette province, « avaient disparu sous les broussailles. » On