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ESQUISSES CONTEMPORAINES

M. ANATOLE FRANCE

I
LES ANNEES D’APPRENTISSAGE
ET LES PREMIERS ESSAIS


« Le désir a conduit ma vie entière. Je puis dire que mon existence ne fut qu’un long désir. J’aime désirer ; du désir j’aime les joies et les souffrances. » (Anatole France, En huitième ;
L’Homme libre du 5 mai 1913.)


Voici peut-être l’écrivain français qui, depuis Renan, a eu le plus d’action, non seulement en France, mais à l’étranger, sur le plus grand nombre d’esprits. Je ne sais s’il a véritablement atteint la foule : mais il a conquis l’élite, presque toutes les élites. Là il a ses fidèles, ses dévots, et même ses fanatiques. Ceux-là mêmes qui discutent le plus violemment ses idées s’abstiennent de toute réserve sur son art : les uns, de peur de passer pour béotiens ; les autres, parce qu’ils sont réellement sans défense contre le subtil et troublant sortilège. Quelqu’un qui l’a passionnément aimé, et qui, dans le secret de son cœur, l’aime peut-être encore, qui lui doit beaucoup en tout cas, a tracé de lui ce portrait fort peu connu :


Je ne dirai jamais assez pour moi avec quelle unique prédilection je goûte l’esprit, la sagesse et le style de M. Anatole France, sa parole aisée, modeste et hardie, pleine de choses et cependant infiniment gracieuse.