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guerre maritime, d’être privée de ses approvisionnemens de nourriture, d’être littéralement affamée. Un certain nombre de corsaires résolus pourraient détruire ou entraver et arrêter la flotte marchande, qui apporte à l’Angleterre les vivres quotidiens dont elle a absolument besoin.

« Avec sa population toujours croissante, qui s’élevait à 45 365 599 habitans sur une surface de territoire inférieure aux trois cinquièmes du territoire français, soit 314 628 kilomètres carrés, le Royaume-Uni ayant à nourrir environ deux fois plus d’habitans au kilomètre carré que ne l’a la France, ne peut produire directement sa consommation alimentaire ; il faut qu’il se la procure dans le reste du monde, par voie d’échange, d’autant que les Anglais sont de beaucoup plus gros consommateurs que les Français. Aussi l’Angleterre importe-t-elle une quantité prodigieuse de produits alimentaires : ainsi, en 1911, environ 6 millions de tonnes de blé ou farine (118 628 696 cwt), 1 900 000 tonnes de maïs (38 239307 cwt), 400 000 tonnes de riz (8 161253 cwt), 2 15 000 tonnes de beurre (4 267195 cwt), 120 000 tonnes de fromage (2 391770 cwt), 415 000 tonnes de bœuf frais ou réfrigéré, 270 000 tonnes de mouton, 215 000 tonnes de lard ou jambon,. 150 000 tonnes d’autres viandes, et 150 000 tonnes de pommes de terre, etc.[1].

« C’est ainsi une dizaine de millions de tonnes au moins d’articles d’alimentation que l’Angleterre fait venir régulièrement de l’étranger et faute des apports desquels elle peut être tout aussi bien affamée que Paris le fut au cours de l’année 1870-1871.

« C’est là le plus gros risque actuel auquel est exposée l’Angleterre en cas de guerre : l’arrêt des apports de nourriture dont elle a impérieusement besoin. Le tunnel sous la Manche la mettrait à couvert de cet énorme risque : les produits alimentaires lui arriveraient par la voie du tunnel ; alors même que l’on supposerait la France engagée dans la même guerre que la Grande-Bretagne, la France aurait toujours ses relations libres avec l’extérieur, sinon par la voie de l’Allemagne et de l’Italie, puissances tripliciennes, du moins par la voie de la Belgique et surtout de la Suisse, pays neutres, et plus encore de l’Espagne,

  1. Ces chiffres sont tirés par M. Leroy-Beaulieu de The Statesman’s Yearbook, 1912, p. 81. Il considère le cwt ou quintal britannique, pour la conversion en tonnes, comme valant 50 kilogrammes ; sa valeur est exactement de 50k, 802.