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qui ont été poursuivis sur ses ordres et pour son compte par une mission composée de deux éminens ingénieurs géologues du corps des Mines, MM. Potier et de Lapparent, grâce aussi à la complaisance de la nature, qui, par les violens courans de marée parcourant le détroit, s’est chargée d’entretenir le fond de ce détroit dans un état de propreté remarquable, on est arrivé à vérifier l’hypothèse de la façon la plus complète.

En 1876 et 1877, MM. Potier et de Lapparent ont effectué dans ce détroit plus de 7 000 sondages, dans lesquels le plomb de sonde a été remplacé par un tube à arête coupante, chargé d’un poids suffisant pour qu’en tombant sur le fond de la mer, le tube prélevât sur ce fond un échantillon, — une carotte, comme on dit, — de 7 à 8 centimètres de longueur, suffisant dans la plupart des cas pour permettre d’identifier géologiquement le terrain aux dépens duquel l’échantillon a été prélevé.

Grâce à ces sondages, dont plus de 3 000 ont fourni une certitude géologique, MM. Potier et de Lapparent ont pu continuer la carte géologique sous le détroit avec une précision presque aussi grande que celle que leurs collègues anglais et français avaient mise à dresser les cartes géologiques des sols anglais et français. Les courbes de cette carte marquent l’affleurement des divers terrains sur le fond du détroit et sont continues sans aucune cassure dans toute la traversée. L’ordre de succession des couches s’est reproduit partout : l’épaisseur même des diverses couches s’est révélée relativement constante. En un mot, tous les faits constatés ne cadrent qu’avec une seule hypothèse, celle où le Pas de Calais a été creusé a une époque relativement récente par des érosions puissantes et non pas par des dislocations des terrains.

On a constaté que, parmi les couches géologiques rencontrées, il s’en trouvait une, celle de la craie argileuse sans silex, dite craie cénomanienne ou craie grise de Rouen, qui convenait particulièrement au passage du tunnel en raison de son homogénéité, de son absence complète de fendillemens, de son imperméabilité presque parfaite et de sa dureté. C’est dans cette couche, dont l’épaisseur moyenne est de 60 mètres environ, que les études géologiques ont fait apparaître, au fur et à mesure qu’elles avançaient, la conviction de plus en plus nette qu’il fallait creuser le tunnel. La Société française a voulu aller plus loin, elle a voulu faire un essai direct de