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géologiques n’ait été que de quelques milliers d’années. Les Neptuniens ne veulent pas attribuer aux agens d’érosion plus d’énergie qu’ils n’en manifestent actuellement sous nos yeux.

Quoi qu’il en soit, et qu’il ait fallu cent mille ans, ou plus, ou moins, pour que le phénomène s’accomplisse, ces études géologiques prouvent qu’une communication terrestre existait jadis entre la France et l’Angleterre, qu’elle n’a disparu que par suite d’une érosion très lente, supprimant la communication dans sa partie supérieure et laissant comme témoins les falaises de Douvres et du Blanc-Nez, mais en conservant au-dessous du niveau de la mer tous les terrains qui réunissaient auparavant les deux pays.

Dans l’état actuel des choses, le détroit entre Douvres et Calais est dominé par de hautes falaises crayeuses coupées à pic : en France celle du Cap Blanc-Nez, en Angleterre celle de Douvres à Folkestone.

Quand on étudie les transformations géologiques de ces deux régions, il est impossible de ne pas être frappé du parallélisme complet des deux formations au point de vue de la structure des terrains qui partent du jurassique, à la base, pour finir par les terrains tertiaires. Des deux côtés, la composition du massif crayeux est identique. En haut, la craie blanche avec des silex ; plus bas, les silex disparaissent et la craie se charge d’argile ; enfin, à la base, près de Wissant comme à Folkestone, se trouve une couche de craie argileuse, compacte, très uniforme, qui donne lieu aux grandes exploitations de pierre à ciment. La craie est assez tendre pour se laisser travailler, assez résistante pour ne pas s’ébouler et l’argile qu’elle contient la rend imperméable.

On ne peut pas imaginer un meilleur ensemble de qualités de terrain en vue du creusement d’un tunnel.

En présence de ces deux grands témoins de l’identité géologique des deux sols anglais et français, on est en droit d’espérer que les couches qui se trouvent de chaque côté des falaises se prolongent d’une falaise à l’autre sur toute l’étendue du détroit, et de penser que cette couche plonge très régulièrement des deux côtés, au Nord-Nord-Est, pour affleurer dans le détroit lui-même.

Cette hypothèse vraisemblable, la Société française du Tunnel a tenu à la vérifier, et, grâce à d’admirables travaux.