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une partie de l’Angleterre se relève et la mer lutécienne qui couvrait encore Paris laisse apparaître une sorte de promontoire anglo-français dont la falaise de Douvres et la falaise de Blanc-Nez sont les témoins. La transformation se continue à la fin d’une période qu’on appelle la période miocénique ; le moument de relèvement s’accentue, et la soudure se fait entre la France et l’Angleterre par un isthme en dehors duquel la Manche d’un côté baignait à peu près les côtes actuelles et la mer du Nord, de l’autre, s’étendait sur une grande partie des Pays-Bas. Cet isthme formait une espèce de pont très large, sur lequel la plupart des animaux de l’époque quaternaire ont passé du continent sur la presqu’île anglaise.

C’est ainsi qu’on retrouve en Angleterre, dans toutes les cavernes quaternaires, les dents et les os d’ours, d’hyène, de mammouth, de rhinocéros, etc., qui peuplaient la France : la gerboise et le renne y ont été aussi constatés, ce qui montre que ces animaux, essentiellement terrestres, ont franchi le détroit à pied sec par l’isthme dont il vient d’être question.

Mais une nouvelle transformation se prépare sous les assauts répétés de la mer ; les flots de la Manche d’une part, ceux de la mer du Nord de l’autre, corrodent l’isthme pour se frayer une communication dont la coupure verticale des falaises actuelles accuse l’origine maritime.

Ce n’est qu’au commencement de l’époque géologique actuelle que le phénomène de transformation de l’isthme en un détroit s’est produit sans violence et sans secousses, par une action lente, analogue à celle qui se produit sous nos yeux et qui est, comme il vient d’être dit, à peu près de 40 mètres par siècle. Le commencement de la période ne veut pas dire que c’est hier, car, à supposer que l’érosion se soit faite avec la même vitesse que celle d’aujourd’hui, l’ouverture du détroit dans sa forme actuelle n’aurait pas nécessité moins de cent siècles. Le temps qu’elle a pris, nous n’en savons rien en vérité, et les géologues les plus distingués sont divisés sur ce point. En géologie, comme en politique, il y a deux écoles : l’école des gens pressés et l’école de ceux qui pensent que les phénomènes d’autrefois se sont faits avec une vitesse qui ne diffère pas beaucoup de celle d’à présent.

Les premiers, qu’on appelle les Plutoniens, veulent que le temps très court dans lequel se sont déroulées les formations