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que le terrain à traverser, si le tracé est bien établi, sera percé avec une grande tarière, comme on perce le bois avec un vilebrequin ; plus difficile, parce qu’il s’agit d’un tunnel d’une longueur de plus de 50 kilomètres, fait sans précédent, et, surtout, parce qu’il faudra cheminer dans la bonne couche à la hauteur la plus convenable, c’est-à-dire dans le tiers inférieur.

Dans l’antiquité, on voit peu d’exemples de construction de tunnels. On cite celui qui a été créé par les Assyriens sous l’Euphrate, mettant en communication les deux palais assis de part et d’autre du fleuve. On trouve à Carthage des aqueducs, à Rome des égouts. On connaît deux tunnels percés par les Romains pour le passage des routes, l’un pour la Voie Flaminienne à travers les Apennins, l’autre en Suisse près de Soleure. Au moyen âge, c’est à l’art de la fortification que se rattachent les galeries souterraines, qui atteignent souvent plusieurs kilomètres de développement. Mais, au point de vue des communications, on peut dire que les souterrains n’existent guère qu’à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est qu’en fait, les souterrains, et a fortiori les tunnels, qui sont de grands souterrains, ne datent guère que des chemins de fer. Auparavant, on ne trouait pas les montagnes, on passait par-dessus en les contournant. Quand on construisait des routes ordinaires, destinées à recevoir des voitures à chevaux, et, encore aujourd’hui, comme il s’agit toujours de tramer des poids relativement faibles, même avec des automobiles, on construit des routes avec de fortes déclivités qui atteignent jusqu’à 100 et 150 millimètres par mètre. On les construit avec des courbes dont les rayons descendent à 15 ou 20 mètres, de telle sorte qu’avec des lacets répétés et bien combinés, on peut arriver à contourner sans les traverser les montagnes les plus abruptes. Mais, quand il s’agit des chemins de fer, le problème est tout à fait différent ; il faut traîner des poids considérables qui, comme les trains de Paris à Calais, dépassent souvent 400 000 kilos, avec un moteur unique, très puissant, par cela même très lourd et très rigide. On ne peut plus admettre que des déclivités relativement faibles qui, sur les lignes à grand trafic, ne dépassent guère 5 millimètres, et, quand il s’agit de traverser des montagnes comme le Simplon, le Saint-Gothard, etc., etc., on n’ose guère dépasser les déclivités de 20 à 30 millimètres par mètre. En outre,