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dans la tombe. Tout ce que nous pouvons ici-bas rêver de biens et de gloire véritable est de l’autre côté. Nous passons ici-bas pour les gagner ou pour les perdre. Que faire devant Dieu des haillons et des ignominies qui revêtent la royauté terrestre ? Ceux qui les possèdent ne sont heureux que par le pouvoir qu’ils ont de les mépriser. Une princesse qui s’en irait mendier et mourir nue sur le chemin de la vérité, c’est là le spectacle de grandeur qu’attendent le ciel et la terre. Il y a longtemps que les anges ne l’ont vu, et le monde s’en va parce qu’il ne lui est plus donné.

Je vous renvoie les papiers. Gardez-les précieusement, ne permettez pas qu’ils périssent. Que la postérité les puisse lire pour savoir au moins quelle belle espérance a passé sous nos yeux. Rien de complètement neuf n’arrive en ce temps-ci. Mais je crois que nous sommes à l’aurore d’un jour qui réjouira l’humanité.

Ma Visitandine est en retraite, et avant peu, probablement, elle prendra l’habit. A partir de ce moment prochain, au bout d’un an et un jour, elle fera ses vœux. Je vois et j’apprends d’elle des choses qui me ravissent et je désire vivre jusque-là. J’aurai cependant un dur moment à passer. Mais dans ce moment-là, déchiré par la pointe du glaive, des yeux de mon âme, qui verseront du sang, je verrai le ciel.

Merci de la lettre de notre chère Rosalie, et des vôtres. Quelle ardeur, quelle jeunesse, ô Jésus amant des âmes immortelles ! C’est vous qui remplissez de ce feu le nid de Violette et tous les alentours. Embrassez le bon Alexis.


P.-S. — Hélas ! ce paquet pourrait être à la poste depuis un jour et serait déjà en vos mains ; mais j’ai tant de besognes et ma tête est si traversée que j’ai négligé l’heure. Tout ce que vous m’avez envoyé s’y trouve. Mais vous me parlez d’un récit que je n’ai point reçu, et que sans doute vous n’avez pas envoyé. J’espère bien qu’il n’arrivera pas de malheur et que vous trouverez ce que vous cherchez. Rassurez-moi.


Paris, 26 novembre 1874.

Voilà que je ressuscite ou à peu près[1]. On me dit qu’après deux semaines de maladie et quatre de convalescence, je vais

  1. Louis Veuillot, dont la santé était déjà chancelante, avait été frappé d’une attaque, six semaines auparavant.