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Je vous remercie de m’avoir envoyé la lettre de cette Rosalie[1]. Sans doute ma modestie en souffre. Mais c’est égal ; comme je peux dissimuler ma gêne, je trouve que la Rosalie va bien. Voilà une personne qui sait rendre justice au mérite. Il est plaisant de penser que je pourrais la rencontrer et, ne connaissant ni son nom, ni sa figure, la saluer en grande cérémonie sans lui dire un traître mot, et elle de son côté me remarquer tout simplement comme un gros monsieur fort grêlé. Cependant, si on venait à parler du Seigneur et Maître Jésus, ou même tout simplement de la sœur Dominique[2], quels regards, et de fil en aiguille, quelle reconnaissance ! Tableau ! Dites-lui toujours que je l’aime bien, et que tant plus elle aimera le bon Dieu, tant plus elle voudra l’aimer, et tant plus elle sera éloquente pour le faire aimer. Après cela, il n’y a plus rien à lui souhaiter, parce que tout devient beauté, bonheur, espérance, amour.

Ce n’est pas une suite logique du présent discours, mais je vous envoie deux exemplaires d’une photographie que j’ai fait faire à l’occasion de mes amis de Savoie. Je suis forcé de distribuer des portraits à l’instar des têtes couronnées. Ils me coûtent bien dans les dix francs la douzaine et je trouve que c’est un peu cher. Il le faut ! Vous en garderez un ; l’autre sera pour Rosalie.

Tenez-moi dans vos prières, chère et incomparable amie. Je crois que les neuvaines du nid à violettes sont pour beaucoup dans l’essor que semble reprendre ma tête fatiguée. Souvenir au fils Alexis et au doux Bleuet. Tout à vous.


Paris, 27 août 1874.

Ma chère amie, je vous plains, je vous aime et je gémis de mon inutilité. Que voudrais-je faire cependant ? Toute croix est bonne de la part de Dieu. Si les hommes pouvaient nous les ôter, ils nous raviraient des trésors. Mieux vaut ne pouvoir que prier. La prière éloigne la mauvaise médecine et attire le seul vrai médecin. Connaissez-vous l’histoire du livre de Salomon, qui révélait la vertu médicinale de toutes les plantes ? Assurés d’y trouver un remède à toutes leurs maladies, suites de leurs

  1. Jeune amie de Mme Volnys, et fervente admiratrice de Louis Veuillot, qui voulait entrer au Carmel.
  2. Nom que portait Mme Volnys, comme tertiaire dominicaine.