Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que, ayant appris l’existence d’un cercle d’apprentis catholiques où l’on admettait aussi des membres d’autres confessions, je me suis empressé de m’y faire recevoir. Pareillement encore à Salzbourg, plus tard, j’ai fait partie d’un cercle catholique ; et, les deux fois, je n’ai pas eu à me repentir de ma résolution. Une tolérance complète régnait, dans ces sociétés, à l’égard des non-catholiques. Le président de notre cercle de Fribourg était le professeur Alban Stolz, un prêtre éminent qui devait ensuite jouer un rôle considérable pendant le Kulturkampf. Après lui venait, comme vice-président, un ouvrier élu par les membres du cercle. Ceux-ci assistaient a des conférences faites expressément pour eux, et recevaient des leçons de diverses matières, par exemple de langue française. Ainsi ces cercles d’apprentis se trouvaient être des sociétés d’instruction en même temps que d’amusement. J’ignore ce qu’ils sont devenus depuis, et s’ils ont conservé leur ancienne forme. Dans la salle de réunion, nous pouvions lire un grand nombre de journaux, exclusivement catholiques, en vérité, mais qui ne m’en permettaient pas moins de m’informer de ce qui se passait dans le monde. Et surtout, ce cercle de Fribourg a heureusement satisfait mon besoin de m’entretenir avec des jeunes gens de mon âge. Un élément très original, dans notre cercle, était constitué par les séminaristes, qui, jeunes et pleins de vie, étaient tout heureux de pouvoir se lier avec nous. J’ai passé avec quelques-uns d’entre eux des soirées charmantes. Puis, lorsque l’un des membres du cercle quittait la ville, on lui donnait an livret qui l’accréditait auprès des autres sociétés catholiques, comme aussi auprès de tous les prêtres des villes et villages où il pourrait passer. Je possède aujourd’hui encore l’un de ces livrets, dont la couverture est ornée d’une image de saint Joseph, patron des cercles d’apprentis, avec l’Enfant Jésus sur son bras,

... A Salzbourg, lorsque j’y arrivai quelques mois plus tard, mon premier soin fut de me faire admettre au cercle catholique, composé d’environ deux cents membres parmi lesquels il y avait jusqu’à trente-trois protestans. Notre président était un certain docteur Schœpf, professeur au séminaire de Salzbourg. C’était un homme encore tout jeune, d’une admirable beauté de visage, avec cela toujours complaisant, serviable, et gai. Il appartenait, d’après ce que l’on m’a dit, à l’ordre des Jésuites. Inutile d’ajouter qu’il savait fort bien avoir sous ses ordres, dans notre cercle, un bon nombre de protestans. Chaque dimanche, il nous faisait une petite conférence où nous nous pressions en foule : il choisissait avec soin des sujets de pure morale, pouvant convenir à des auditeurs de n’importe quelle confession. Je ne tardai pas à entrer en l’apports personnels avec lui ; et plus d’une fois, le dimanche après-midi, je fus invité à venir le voir dans son logement, où je me rappelle en particulier que nous nous entretînmes longuement de la situation politique de l’Allemagne et de l’Autriche...

Au mois de mars a lieu la fête de Saint-Joseph, dont j’ai dit déjà qu’il était le patron des cercles d’apprentis catholiques. Quelques jours avant la fête, notre président, s’adressant aux membres catholiques du cercle, leur dit qu’il espérait bien les voir tous à la messe le matin de la fête. Il n’ignorait pas que les jeunes gens se dispensaient volontiers de cette obligation : mais, cette fois, il s’agissait pour eux de ne pas se discréditer aux yeux de