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Passionnément et constamment, il a souhaité, chanté sa liberté et celle de ses frères. Sur lui, sur sa dépouille, plutôt que sur celle de Wagner, on aurait dû jeter la couronne funèbre, portant l’inscription fameuse : « Erlösung dem Erlöser, — Rédemption au Rédempteur. » Comme les sonates, les quatuors, les symphonies, Fidelio s’achève par un finale victorieux et qui délivre. Le finale de la symphonie avec chœur y apparaît déjà comme en germe, comme en puissance. Il possède et manifeste déjà, ce triomphal épilogue, les deux caractères éminens où se reconnaît, d’après la doctrine de Taine, l’œuvre d’art supérieure. L’un est la bienfaisance et l’autre la généralité. Ce bienfait de la liberté, conquis par l’épouse intrépide, n’est pas octroyé par elle, et par l’équitable ministre, seulement à l’époux. Étant donné le dénouement du drame, la prison où gémissait Florestan semble bien avoir été le rendez-vous de toutes les victimes de toutes les erreurs judiciaires de l’époque et du pays. D’où l’ampleur du finale, son ampleur croissante, avec chaque reprise du thème, qui s’élargit et monte jusqu’aux cieux. Et le bien qu’il célèbre ne s’étend pas moins loin, ne s’élève pas moins haut. C’est notre bien à tous, et pour chacun de nous, c’est tout le bien : celui de notre corps et celui de notre âme, celui de tout notre être, affranchi de tout mal, à jamais. Il n’est que de savoir l’écouter, le finale sublime, pour y entendre une promesse divine. Il a, non pas les paroles, mais la musique de la vie éternelle. Il en a la lumière aussi, dont ces dernières pages, après de si longues ténèbres, sont inondées.


La musique et la nuit sont deux sombres déesses,


comme dit magnifiquement, en son dernier recueil de vers, Mme la comtesse de Noailles. La musique de Fidelio mériterait souvent cette épigraphe. Mais à la fin, c’est du jour aussi qu’elle est la sœur, et, comme a dit un autre poète :


Du jour qui ne doit pas finir.


CAMILLE BELLAIGUE.