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italienne à demi, gioja bella, que vient attendre, appeler, sous les grands marronniers, l’espiègle Suzanne des Noces de Figaro.

Quand on veut définir, en un seul mot, avant le sentiment ou L’éthos, le genre ou le style du chef-d’œuvre de Beethoven, on le qualifie infailliblement d’instrumental ou de symphonique. Cela, d’une part, est la vérité même, et, d’autre part, ce n’est pas toute la vérité.

Beethoven l’a déclaré le premier : il ne concevait, et, si l’on peut dire, il n’entendait jamais une « idée, » un thème, une mélodie, que sous la forme orchestrale, et non vocale. Avant tout, si le maître n’a pas composé pour son unique opéra, moins de quatre ouvertures, l’une des raisons d’une telle prodigalité pourrait bien être la volonté, le besoin même d’offrir, en quelque sorte, sur le seuil de son drame musical, un magnifique hommage à la musique pure. Passant de l’étude historique à l’analyse musicale de Fidelio, M. Kufferath a très bien signalé, dès les premières pages, dans la scène entre Marceline et son amoureux Jacquino, la présence, la primauté même de l’élément symphonique. C’est par l’orchestre qu’est exposé, puis développé le motif de l’aimable duetto. L’admirable quatuor qui suit est traité dans le style symphonique et rigoureux du « canon. » Le chœur des prisonniers forme une symphonie d’instrumens autant que de voix, si ce n’est davantage. C’est de l’orchestre que le thème fondamental s’élève d’abord ; c’est dans l’orchestre qu’il s’insinue et se répand, en même temps que l’air et le jour emplissent la poitrine et les yeux des captifs, pour quelques momens délivrés. Symphonie encore, au début surtout, le dialogue de Rocco et de Léonore, s’apprêtant, sur l’ordre de Pizarro, à leur sinistre besogne. Et pendant que celle-ci, plus tard, s’accomplira, les voix, avec l’orchestre toujours, se contenteront d’en partager l’horreur. Avant même que ce duo ne commence, il a suffi d’une suite d’accords, dans un mode analogue à ceux du plain-chant, pour l’envelopper à l’avance d’une atmosphère ou d’une couleur funèbre. Avec plus de largeur, plus de profondeur aussi, la lugubre introduction du second acte nous avait préparés à la vue de la prison et du prisonnier. Par la symphonie seule, elle avait établi, posé le personnage. Ensuite, quand arrive la péroraison de l’air de Florestan, le chant d’un hautbois, avant celui du héros, perce la nuit d’un rayon d’espérance et change une longue détresse en une soudaine extase. Enfin, au cours de ce drame comme de tout autre, il se rencontre forcément des scènes accessoires consacrées à des explications, à des récits de faits, partant peu musicales, ou, permettez l’expression, peu « musicables. » On pourrait les expédier promptement, ou, comme on dit en jargon de