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Pasquale et de la Sonnambula. Entrée sinon libre, au moins peu coûteuse ; public facile, comme la musique même qui le charmait ; facile aussi l’exécution. Tout respirait l’indulgence et l’abandon, le loisir et le plaisir de vivre. Et, le spectacle fini, les nuits étaient si belles après de si beaux jours, que, pour achever les délices non seulement de nos yeux, mais de tout notre être, nous demandions peu de chose aux sons.

Fidelio premièrement, pourquoi Fidelio, plutôt que Léonore ? Beethoven lui-même eût préféré le second titre. C’était celui de la pièce originale ; et puis, c’était le nom de la charmante Êléonore de Breuning, une des amies que le maître aima le plus chèrement. Mais la direction du théâtre An der Wien exigea, sur l’affiche, ce pseudonyme et ce barbarisme italien, estimant peut-être que la désinence masculine, en travestissant l’héroïne une fois de plus, répondait mieux à l’idée même du drame et, pour ainsi dire, y ajoutait encore.

Drame bourgeois et larmoyant, « Léonore, ou l’Amour conjugal, fait historique espagnol en deux actes, » fut écrit en l’année 1798 pour le chanteur et compositeur Pierre Gaveaux, par Jean-Nicolas Bouilly, l’auteur de l’Abbé de l’Epée et de Fanchon la Vielleuse, des Contes à ma fille et autres ouvrages du genre vertueux. Léonore était le premier « livret » de Bouilly, mais ne devait pas être le seul. D’abord avocat au Parlement de Paris, puis administrateur civil et même accusateur public à Tours, le sensible écrivain passe pour avoir montré dans ses terribles fonctions la même sensibilité qu’en ses œuvres littéraires. Ses propres mémoires du moins, ses Récapitulations, lui rendent justice à cet égard. Il y écrit en effet : « C’était surtout lorsque j’avais la jouissance de sauver des ci-devant nobles et grands propriétaires, que je faisais rugir la haine de leurs persécuteurs. » Il assure même que la pensée de sa pièce lui fut suggérée par « le trait sublime d’héroïsme et de dévouement d’une dame de la Touraine, dont il eut le bonheur de seconder les efforts. » Voilà pour le caractère historique du sujet. Quant à son transfert en Espagne, la recherche de la couleur locale y est parfaitement étrangère. Mais l’aventure était trop récente, encore, pour que la prudence la plus élémentaire ne commandât point de la dépayser.

Rien de plus simple, de plus innocent, que l’histoire de l’infortuné Florestan, du cruel Pizarro et de la vertueuse Léonore. Pour avoir dénoncé à don Fernando, leur maître et ministre commun, les crimes de Pizarro, Florestan se voit, à son tour, injustement accusé par Pizarro et jeté dans une prison, dont Pizarro se fait nommer gouverneur.