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même dans les grands sujets, affectionne la raillerie un peu rude et les saillies souvent brutales d’une gaîté moqueuse. Il aime surtout à montrer le dupeur dupé et à opposer au trompeur le trompeur et demi. Donc voici nos deux capitaines, déguisés en archers, au logis du devineur Maître-Jean, auquel ils sont allés demander le secret de l’avenir. Périront-ils dans cette guerre ? Maître-Jean fait à ces Anglo-Saxons une réponse de Normand. Nul doute que nos pères, nés malins, n’aient vivement goûté les réponses ambiguës du sorcier matois.

Le premier acte nous fait assister à la Détresse d’Orléans. Il faut noter que l’auteur du Mystère primitif, bon patriote de sa « petite patrie, » a fait, avant tout, une œuvre locale et que l’héroïne de son Mystère n’est pas la Pucelle, mais bien la ville d’Orléans. Quand Orléans sera délivré, la pièce sera finie. L’échevin Guillaume Renaut, qui joue ici un grand rôle et qui représente l’héroïsme municipal, est prêt à tous les sacrifices qu’exigeront les intérêts de la défense, et par exemple à raser les maisons, les édifices publics et même les églises.

Nouveau changement de décor : la toile représente le fort des Tourelles. Glassidas chante déjà victoire et croit que les Anglais ont ville gagnée. Mais Salisbury est inquiet, pour un songe qu’il a eu. « Un songe, me devrais-je inquiéter d’un songe ? » Oui, car les songes de ce temps-là n’étaient pas ce qu’ils sont devenus dans notre époque mécréante : le signe d’un embarras gastrique. Ils signifiaient l’avenir, dont ils étaient l’avant-coureur, l’épreuve avant la lettre, le reflet avant l’événement. Le fait est que Salisbury est tué par un boulet. Mais les Orléanais n’y gagnent rien : Talbot mène l’assaut à sa place et les bourgeois s’enfuient, pareils aux Troyens quand se détachait sur l’horizon l’athlétique stature d’Achille. Il n’y a plus rien à attendre que d’une intervention divine. C’est pourquoi nous sommes transportés au Paradis où saint Aignan, patron d’Orléans, et la Vierge Marie elle-même, intercèdent pour le royaume des fleurs de lis. Jésus, touché de telles prières, envoie saint Michel à Domremy et lui donne ces prescriptions :


Assise sur de verts gazons.
Où paissent brebis et moutons.
Tu trouveras la pastourelle
Qui doit relever sous son aile
Ce pays longtemps abattu...
Elle est fille pleine d’honneur,
Toute bonté, toute douceur.